« Randonnée PJJ » – Épisode 4
Dès que les jeunes hommes des quartiers populaires sortent de leur ville, ils savent qu’ils vont être scrutés, épiés, jugés, craints … Il faut attendre d’avoir des cheveux gris pour obtenir le même traitement que tout le monde. Alors, souvent, ils intègrent qu’ils doivent être irréprochables.
Depuis notre arrivée dans les Alpes ce lundi soir, nos jeunes hommes suivis par la PJJ, et nous aussi les adultes, disons bonjour à tout le monde, aux jeunes, aux vieux, même les enfants de six mois, nous les saluons. Tant pis si on nous répond qu’une fois sur deux, on s’entête dans la courtoisie.
On use à outrance des pardons, des mercis, des désolé … Nous sommes gentils, serviables, nous nous effaçons souvent. En montagne, la priorité est à celui qui monte. Pas pour nous : la priorité est toujours pour les autres que nous croisons.
Ce jeudi, en descendant vers les Houches, nos jeunes ont rencontré des moutons. Et même avec ces bêtes, ils ont fait preuve de bienveillance. En refuge, nous sommes les premiers à saluer les autres. Ça en devient fatiguant tous ces salamalecs mais si nous agissons ainsi, c’est pour détendre l’atmosphère parfois pesante et dissiper les craintes des autres randonneurs.
Nous aimerions être juste paranos, et peut-être qu’à certains moments nous le sommes, mais la peur est réelle sur certains visages. Parfois, bien sûr, il y a de belles surprises, comme ce matin, au petit déjeuner et la rencontre bienveillante et pleine de rigolades avec des Marseillais.
La vérité, c’est que nous nous comportons malheureusement trop souvent dans notre propre pays comme des enfants illégitimes. Même les randonneurs venus de l’étranger sont plus à l’aise que nous. Eux peuvent parler fort, rire, sans être dévisagés.
Même nous les adultes, nous avons nos torts en demandant à nos jeunes d’être exemplaires, en leur demandant de se taire à chaque haussement de voix. Comme l’ont fait nos parents avec nous, avant nous. Nous voulons tellement faire plaisir à celles et ceux qui nous « accueillent » que nous en devenons des tyrans à notre tour.
Nous agissons aussi de cette manière pour le bien-être des autres habitants des quartiers populaires que nous ne connaissons pas pourtant. Nous ne voulons pas les handicaper si un jour ils débarquent ici.
Ce jeudi soir, nous sommes arrivés dans un gîte aux Houches. Et nous avons appris par hasard que nous n’étions peut-être pas les bienvenus. Il y a quelques semaines, d’autres jeunes de quartiers populaires ont foutu le boxon ici. Et il a fallu insister pour qu’ils acceptent de nous recevoir dans leur gîte. A peine arrivés, nous sommes allés discuter avec les propriétaires du lieu pour les rassurer.
Nous ne sommes pas en colère, ni contre eux ni contre celles et ceux qui éprouvent une gêne en croisant notre route, parce que nous comprenons. Nous savons que votre peur vient de quelque part. Il ne s’agit pas bien entendu de minimiser une partie de la réalité. Nous demandons juste d’être considérés comme des individualités et non comme les représentants d’un groupe qui serait homogène …
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