« Randonnée PJJ » – Épisode 3
Depuis que Sébastien est guide de trek, stagiaire 2008 – diplômé 2009 ! il n’a jamais vu ça : une bagarre à plus de 2 500 m d’altitude.
Déjà, la veille au soir, la tension au sein de notre groupe était à son comble alors que Fofana et Abdel refusait tous les deux de dîner.
Pourtant, au refuge de La Pierre A Bérard, la soupe aux légumes, le riz et la blanquette de veau, étaient exquises. Seule la succulente « crème au chocolat maison » trouva grâce à leurs yeux. La fatigue et une nourriture qu’ils n’ont pas l’habitude de manger peuvent expliquer les raisons d’un tel caprice.
Heureusement qu’après le souper, une partie de cartes entre les jeunes hommes de la Pjj et une jeune fille de 8 ans, conquise par la gentillesse de nos apprentis alpinistes, mirent un peu de baume au cœur dans tous ces esprits échaudés. Hier soir, on partit donc se coucher, pas fâché, mais pas non plus en se faisant des câlins.
On quitta le refuge le lendemain à 8.10, direction le Col de Salenton, perché à 2 526 m dans des températures une nouvelle fois clémentes, loin de la canicule qui sévit en ce moment dans les autres parties du pays.
Comme la veille, très vite, Fofana se trouva en difficulté alors que la pente s’élevait à peine. Ce n’est pas tant le physique qui pêche chez ce grand gaillard longiligne d’un mètre 90, bien au contraire, son gabarit, sa légèreté devrait lui permettre d’exceller sur ce genre de terrain, mais voyez-vous, ce garçon manque de mental. Et d’envie. Il ne désire pas être là !
On se mit à deux en queue de peloton avec Zouaoui pour le soutenir en commençant à engager une conversation avec lui, pour lui faire oublier ce qu’il vivait. On parla à un moment de notre Salah national, notre éducateur, celui qui nous a permis de penser autrement.
« C’est pour ça qu’aujourd’hui, on essaie d’aider les plus jeunes à notre tour, lui fit-on remarquer. C’est une chaîne. Et peut-être que toi aussi, tu aideras les plus petits par la suite ». Fofana ne répondit pas, apparemment peu emballé par notre discours. Il s’arrêta plusieurs fois, prit d’interminables pauses.
On arriva laborieusement au Col de Salenton vers 11.30, très en retard sur l’horaire prévu. Mais le pire était à venir. Lors de la descente, Abdel et Riyad échangèrent des noms d’oiseaux d’une qualité supérieure à la moyenne. Le ton monta très vite entre les deux adolescents. Et pour ne pas perdre la face devant les autres, les deux en vinrent aux mains.
Heureusement pour tous, ils s’affrontèrent dans un endroit peu dangereux, ni trou ni ravin à proximité. Et il a fallu l’intervention de tous pour arrêter les hostilités.
Dans ces moments-là, on se dit que quatre adultes pour cinq jeunes hommes en proie à de telles difficultés dans leur vie de tous les jours n’est pas de trop.
Nous passâmes près d’une heure à calmer les esprits. Sébastien, d’habitude si jovial, resta très silencieux pendant de longues minutes alors que le groupe reprit sa route. Il sembla très affecté par ce qu’il venait d’arriver. Il était surtout déçu, je crois.
Avec Zouaoui, Khadija, Sébastien, nous improvisâmes une réunion de crise. Un retour à Paris fut même envisagé tellement la tension était à son comble. Pour nous tous, la sécurité de ces adolescents doit passer avant tout.
Et alors que le moral était au plus bas, Riyad vint à la rencontre d’Abdel et les deux firent la paix des braves en s’enlaçant très fort. Je pus même déceler dans leurs yeux des larmes, preuve d’une réconciliation sincère.
Le reste de la journée fut un long fleuve tranquille. Comme s’il avait fallu cette bagarre pour que le groupe puisse enfin faire Unité …
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