« Randonnée PJJ » autour du Mont Blanc – Jour 7
« Randonnée PJJ » – Notre journaliste Nadir Dendoune a accompagné du 12 au 19 juin dernier des jeunes hommes, suivis par la PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse) en Haute-Savoie. Pour ces gamins qui ont tous fait l’objet de décisions judiciaires, il s’agissait de leur première expérience en montagne.
Nadir Dendoune était déjà parti avec un groupe de la PJJ en juin 2019. De cette première expérience, est né un documentaire Petits Pas. Sur ces 5 jeunes partis randonner en juin 2019, quatre ont été réinsérés, seul l’un d’entre eux est en prison actuellement. Pour ce deuxième périple, notre journaliste a tenu un carnet de voyage sur les réseaux sociaux.
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Le prénom des jeunes hommes a été modifié pour préserver leur anonymat.
Pour la première fois depuis le début de cette aventure autour du Mont Blanc qui a commencé il y a une semaine, les adolescents de la PJJ étaient réveillés avant les éducateurs. Tout sourire et lavés, ils étaient descendus seuls dans la salle du petit déjeuner. Leur dortoir était nickel, les couvertures pliées minutieusement, les oreillers posés à l’endroit qui leur était dédié.
Leurs sacs étaient prêts. Ils portaient déjà sur eux leurs habits de trekkeur. Même leurs gourdes étaient remplies d’eau.
Pour la première fois, ceux qui avaient pris pour habitude de ne rien avaler au bon matin, avaient décidé de se gaver comme des goinfres pour cette ultime journée de marche. Pour cette dernière étape, ils avaient, comme par enchantement, retrouvé l’appétit.
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Ce vendredi 18 juin, au refuge de Moede Anterne, à plus de 2 000 m d’altitude, Kilian et les siens affichaient des mines sereines, conscients d’avoir fait le plus dur.
La veille, après l’étape dantesque, les « PJJiens », épuisés par tant d’efforts, étaient partis se coucher très tôt, tandis que leurs éducateurs refaisaient le monde avec des randonneurs venus d’autres horizons. A 21h, les « microbes », comme on aimait les appeler affectueusement, ronflaient déjà.
Comme pour une fin de Tour de France, la dernière étape était une étape de gala, sans difficultés apparente. Essentiellement de la descente. Prendre le temps de savourer, de se rendre compte du chemin parcouru.
Belkacem, qui d’habitude répétait plusieurs fois dans la journée « On arrive quand ? », ne disait rien. Il regardait partout, scrutait chaque recoin de la montagne. Avec ses « compagnons de galères », il s’arrêtait toutes les deux minutes pour prendre des photos. Immortaliser ces moments. Kareem qui aimait marcher vite, « pour en finir vite », prenait aujourd’hui tout son temps. « Pourquoi tu marches aussi lentement ? », demanda également Zouaoui l’éducateur à Kilian. Celui qui avait tant maudit la veille la montée vers le lac de Pormenaz, répondit laconiquement : « Je profite de la montagne ».
Nelson qui portait un débardeur de touriste, avait rangé ses bâtons de randonnées et lui aussi semblait profiter de cette journée d’accalmie.
Sébastien, le guide s’arrêtait souvent pour fournir au groupe des explications sur la faune et la flore. Les trekkeurs s’émerveillaient comme des nouveau-nés, quand ils apercevaient au loin un chamois ou des marmottes, ou quand un aigle ou un gypaète barbu, ce vautour que l’on croise sur les massifs montagneux, venaient voltiger à proximité.
Il y avait des rires. Beaucoup de joie. On s’appelait « mon chéri », on partageait l’eau, les barres chocolatées. Les vannes fusaient à toute vitesse. Et pour la première fois depuis le départ du trek, Belkacem comprenait enfin le « second degré ».
Au début de l’aventure, le jeune Roubaisien partait au quart de tour à la moindre blague. Tout devenait pour lui grave. Excessivement grave. Il fallait sans cesse lui rappeler qu’il s’agissait ici d’humour. Il y a quelques jours, Mehdi, l’autre éducateur, avait demandé à Belkacem s’il savait ce qu’était le second degré ? « Oui, c’est quand il fait plus chaud », avait répondu de manière candide l’adolescent !
Kareem et Nelson avaient les yeux qui brillaient. Ils marchaient côte à côte. A un moment donné, Nelson, Kareem, Kilian et Belkacem firent une halte pour ramasser des cailloux. « Je veux jamais oublier ce voyage », s’exclama Nelson.
A 15h, le trek se termina. Tout le monde se congratulait. « Wesh, jamais, je pensais que j’étais capable de faire ce que je viens de faire. Je suis fier de moi », répéta Kilian. « Et je sais que ma mère l’est aussi ».
On apprit également que pour certains, ce trek était leurs premières vacances. « Je peux pas dire que j’ai pas aimé », concéda Belkacem. En guise de récompense, le guide emmena le groupe au lac de Passy. Kilian, Belkacem, Nelson et Kareem coururent se jeter dans la flotte.
Au moment des au revoir, l’émotion était palpable. « Plus grand, je reviendrai à la montagne », promit Kilian. « On ira ensemble », ajouta Kareem. « La montagne, c’est chez vous », termina le guide, les yeux légèrement embués.
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