« Randonnée PJJ » autour du Mont Blanc – Jour 4
« Randonnée PJJ » – Notre journaliste Nadir Dendoune a accompagné du 12 au 19 juin dernier des jeunes hommes, suivis par la PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse) en Haute-Savoie. Pour ces gamins qui ont tous fait l’objet de décisions judiciaires, il s’agissait de leur première expérience en montagne.
Nadir Dendoune était déjà parti avec un groupe de la PJJ en juin 2019. De cette première expérience, est né un documentaire Petits Pas. Sur ces 5 jeunes partis randonner en juin 2019, quatre ont été réinsérés, seul l’un d’entre eux est en prison actuellement. Pour ce deuxième périple, notre journaliste a tenu un carnet de voyage sur les réseaux sociaux.
Le prénom des jeunes hommes a été modifié pour préserver leur anonymat.
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Au refuge de la Balme, ce lundi 14 juin alors que la troisième journée de marche s’achevait, le groupe de la PJJ, à « l’allure banlieusarde », était accueilli assez froidement à son arrivée. Leur bonjour fraternel et sincère, heureux d’en avoir terminé, allait rester sans réponse.
Les clients attablés à la terrasse et qui sirotaient tranquillement leur demi-pression, venaient alors d’être « dérangés » par une horde de marcheurs à la mélanine ombragée. Circonstance pardonnable, ces trekkeurs CSP+ n’avaient pas l’habitude de croiser sur ces chemins escarpés de tels énergumènes. En ville, les croiser ça allait encore, mais ici, dans leur chasse gardée, c’était assez difficile de l’accepter.
Les deux éducateurs, Zouaoui et Mehdi, ainsi que le guide Sébastien leur expliqua longuement qu’il fallait parfois malheureusement vivre avec la peur des autres, que c’était vieux comme le monde, et que la connerie malheureusement ne diminuait pas en altitude, et qu’il fallait surtout rester sur du positif.
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Le positif allait venir à la fin du dîner, quand trois Hollandais frôlant la cinquantaine, vinrent discuter spontanément avec les deux éducateurs et Sébastien. Ce fut un échange intéressant autour du foot et de la vie.
Belkacem, 16 ans, Lillois d’origine, installé à Paris « pour le business » débarqua. Il me glissa discrètement : « Fais gaffe, ce sont des flics ». Le bougre avait vu juste, quand Mehdi demanda aux principaux concernés quelle profession les trois Hollandais exerçaient au quotidien.
« Sur la Mecque, je les sens à dix kilomètres les keufs », lâcha fièrement l’adolescent, ce qui ne l’empêcha pas par la suite de discuter avec plaisir en anglais avec ses trois nouveaux amis hollandais.
Le lendemain, mardi 15 juin, juste après le petit déjeuner et avant de partir pour cette quatrième journée de marche, le groupe tomba sur 3 adorables Américaines, et une nouvelle fois, après les Hollandais de la veille, ce sont d’autres « étrangers » qui allaient remonter le niveau de l’humanité perdue ces derniers temps quelque part en Hexagone. Nul n’est prophète en son pays. Rempli d’amour, le groupe quitta le refuge remonté à bloc.
Après une longue descente assez plate, les ados s’arrêtèrent devant un mini-troupeau de vaches. « Wesh, y en a une qui a un piercing dans le nez. Elle se la raconte de ouf », balança Kilian au reste du groupe, tchipant, au passage. « Le piercing, c’est un anneau. C’est pour empêcher la vache de téter les autres vaches », expliqua très sérieusement Sébastien, le guide.
Après la descente, pour ne pas changer, il fallut monter. Une longue grimpette difficile de plusieurs heures à travers la forêt, protégée du soleil. Alors que la pente se durcit : Kareem le Pakistanais proposa à Kilian le Français : « Si t’as des trucs trop lourds, je peux te les porter », mais Kilian déclina l’offre gentiment. Il ira au bout en autonomie totale.
Malin, pour les aider à continuer et aiguiser la fierté des gamins, le guide s’arrêta de temps en temps pour leur montrer le chemin parcouru depuis le départ ce matin.
A la fin de la pause déjeuner de ce quatrième jour du trek autour du Mont Blanc, ce qui couvait depuis la veille, allait (presque) virer au vinaigre. En face du refuge de Tré la Tête, 1970 m, alors que le groupe s’apprêtait à quitter les lieux, trois randonneurs allaient se moquer « en traître » de deux adolescents.
C’est Sébastien le guide qui remarqua par hasard leur mépris. Blessé et solidaire, « quand ils se moquent d’eux, ils se moquent de moi », me précisa le guide, Sébastien bomba le torse en dévisageant fixement ces trois pauvres gars, avant de m’informer de ce qui était en train de se jouer.
Ils avaient ri de l’apparence de Nelson, jeune Camourenais et de Kilian, un métis, qui selon eux « faisaient tâche » dans ce décor bien monocolore et élitiste. Assez en colère, je l’avoue, et ayant vécu le mépris (le racisme ?) trop de fois par le passé, je m’avançai alors devant eux pour leur demander sèchement « s’il y avait ici un problème ? ».
L’un d’eux me répondit que tout allait bien. Sa lâcheté acceptée, il était temps de quitter les lieux. « Bonne route, les vrais montagnards », ironisa haut et fort Zouaoui, tandis que le groupe se dirigeait à toute vitesse vers la destination finale, le village des Contamines.
Une fois arrivés à l’hôtel de la Gelinotte, les désagréments de la journée allaient être très vite oubliés avec l’accueil chaleureux qu’allait recevoir le groupe. Les deux gérants, Béa et Philippe allaient gentiment proposer aux « PJJiens » de suivre ce soir le match de l’équipe de France sur leur écran de télévision…
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