Ramadan 2021 : les vœux très politiques du président Kais Saïed

 Ramadan 2021 : les vœux très politiques du président Kais Saïed

Le président de la République Kais Saïed s’est rendu lundi soir à la mosquée de la Zitouna où il a prononcé une allocution, depuis l’enceinte même de la mosquée, dans laquelle il a adressé ses vœux aux Tunisiens à l’occasion de l’avènement du mois saint du ramadan. Une démarche aussi inhabituelle que tendancieuse, d’autant qu’une fois de plus le président y a réglé ses comptes politiques.   

Encadré par le mufti de la République et l’imam de la mosquée, Saïed s’est d’abord livré durant de longues minutes à ce qui s’apparente à un prêche religieux à propos du « vrai islam » et des « vraies finalités du jeûne du ramadan », s’auto proclamant de facto comme dépositaire de la bonne interprétation de ces questions théologiques.

« Que Dieu nous garde des diables de la politique ! », s’est-il par la suite exclamé, ajoutant avant de quitter les lieux que le Dieu de l’islam « n’est pas celui des islamistes mais des musulmans ».

Dans son article 6, la Constitution tunisienne de 2014 stipule pourtant que « l’Etat est le garant de la neutralité des mosquées et lieux de culte par rapport à toute instrumentalisation partisane ».

Par cette initiative du mélange des genres, inédite pour un président tunisien en exercice, ainsi que le contenu de ces 11 minutes de prêche mi-politique mi-religieux, le président Saïed prend une nouvelle fois de dangereuses libertés avec la Constitution, lui le juriste constitutionaliste.

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En termes de populisme, c’est un nouveau palier qui est franchi au nom de la guerre désormais déclarée contre les dirigeants du parti Ennahdha que le président qualifie indirectement d’« hypocrites » et de « scélérats », au risque de passer lui-même pour un tartuffe utilisant les mêmes anciennes méthodes que ses adversaires politiques.

Un procès en bigoterie que le chef de l’Etat mène contre les islamistes tout en réitérant son exercice favori : se faire filmer en train de faire la prière dans les espaces qu’il pense peut-être ainsi conquérir. Il est important à ce titre de comprendre d’où parle Kais Saïed, loin de l’enthousiasme triomphaliste de ses partisans dans le camp progressiste qui ferment les yeux sur son propre positionnement conservateur.

 

L’opposition réagit à l’escapade présidentielle du Caire

Dans une tribune adressée de façon implicite au président Kais Saïed, le parti al-Amal, fondé en septembre 2020 par Salma Elloumi, Ridha Belhaj, et l’opposant historique Nejib Chebbi, a estimé qu’évoquer le sujet de l’islam politique en Egypte constitue une implication de puissances étrangères et une incitation à l’ingérence étrangère dans les affaires souveraines de la Tunisie.

Selon le parti, la lutte contre l’islam politique est un problème strictement interne, et en parler en dehors du territoire tunisien pourrait dangereusement mettre en péril la sécurité nationale du pays, quand bien même il s’agirait de pays frères.

« Cette lutte doit être menée par le peuple tunisien et via les moyens légaux dont le scrutin libre, et non à travers le blocage permanent des décisions prises par les autres institutions de l’Etat », a prévenu le parti dans sa lettre ouverte, allusion au blocage également politique du président Saïed qui s’oppose à l’instauration de la Cour constitutionnelle.