Rachat de l’OM : le tunisien Ajroudi, homme d’affaires à la tête du projet

 Rachat de l’OM : le tunisien Ajroudi, homme d’affaires à la tête du projet

Ajroudi, une personnalité haute en couleurs

Rachat de l’OM : Passées les spéculations durant la journée de vendredi sur son identité, l’AFP vient de révéler le nom de l’homme décrit comme étant providentiel pour le sauvetage financier de l’Olympique de Marseille. Il s’agit de l’homme d’affaires Mohammed Ayachi Ajroudi, ingénieur, industriel et politicien franco-tunisien. Portrait.

Depuis la récente annonce du projet de rachat de l’OM par le français d’origine algérienne, Mourad Boudjellal, beaucoup de questions agitent les amateurs de football et les supporters olympiens en particulier. L’AFP vient d’y répondre en dévoilant l’identité de l’homme d’affaires derrière le projet, ainsi que la somme en jeu. Natif de Gabes, dans le sud de la Tunisie, Ajroudi portera donc le projet de rachat de l’OM, une info désormais confirmée par Mourad Boudjellal.

 

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Mourad Boudjellal

Outre l’enveloppe du mercato de l’OM pour cette saison qualifiée de « stratosphérique » (200 millions d’euros) par les médias français, le montant déboursé pour l’ensemble de l’opération de rachat est également extravagant.

 

Une enveloppe de 700 millions d’euros

Au-delà de l’identité du porteur du projet, l’AFP confirme par ailleurs l’enveloppe de 700 millions d’euros évoquée dans le deal. Une somme a priori étalée par des fonds d’investissement du Moyen-Orient, et dont Boudjellal communiquerait l’identité ultérieurement.

« Quand on parle du Moyen-Orient, en général cela veut dire qu’on a les moyens de nos ambitions ! Comme ce sont des fonds étrangers, je vais juste informer le président de la République. Je sais qu’il aime l’OM. Je lui donnerai l’identité de la personne et des pays concernés ». C’est ce qu’explique Mourad Boudjellal sur RMC, soucieux de rester discret dans un premier temps.

Le chiffre annoncé serait ainsi réparti comme suit : 300 millions d’euros pour le rachat du club, 200 millions pour éponger le « passif » de l’OM puis 200 autres millions investis dans le mercato. « De quoi faire s’enflammer les supporters », s’enthousiasme notre confrère 90 minutes.

 

Ajroudi, travailleur acharné

Né le 22 décembre 1951 à Gabès (68 ans), Ajroudi n’est pas étranger aux controverses de toutes sortes en Tunisie et ailleurs. Ayant grandi dans une famille de militaires actifs au sein de l’armée française en Tunisie puis de l’armée tunisienne après l’indépendance : son grand-père est sous-officier de l’armée française durant la Première Guerre mondiale alors que son père est commandant et son oncle chef d’état-major.

Il quitte Gabès pour Lille en France, où il décroche son baccalauréat. En 1967, il entreprend des études maritimes à Saint-Malo puis navigue durant cinq ans pour terminer avec le grade de lieutenant. Il rejoint ensuite l’École universitaire d’ingénieurs de Lille (actuelle École polytechnique universitaire de Lille) dont il sort diplômé en ingénierie hydraulique en 19782.

À partir de 1977, Mohamed Ayachi Ajroudi travaille pour l’entreprise ISEE, spécialisée dans les travaux pétroliers et maritimes et basée dans le Pas-de-Calais. En 1980, il la rachète et fonde sa propre entreprise d’ingénierie mécanique. AMIS (Artois Maintenance Industries Services) construit des tunneliers pour les métros de Caracas et Lille, mais aussi pour un tunnel ferroviaire à Cosenza en Italie. Il invente par ailleurs un système d’irrigation souterraine, le « Portube », utilisé dans un dispositif récompensé par le prix Lanvar. Dans la foulée, il fonde la société du même nom pour fabriquer et commercialiser le produit, notamment en Arabie saoudite (Palais royal, aéroport, voies publiques et agriculture) et en France.

Au cours de sa carrière professionnelle, Mohamed Ayachi Ajroudi fonde diverses entreprises internationales, dont SADEG, Aquatraitements Énergies Services, Objectif Pertinence, Razin Contracting, SNCFIME, Ferrara Ltd. et Sogetram, basées en Arabie saoudite, en France, et en Tunisie. Il est également partenaire de plusieurs grands groupes, dont Suez et Constructions navales et industrielles de la Méditerranée (CNIM).

 

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Un mégalomane ?

Ses activités industrielles et technologiques s’élargissent progressivement aux pays du Golfe, principalement en Arabie saoudite, où son savoir-faire et son sens du contact l’introduisent dans le cercle restreint des décideurs économiques et politiques.

Selon Challenges, c’est lui qui « négocie la vente à l’Arabie saoudite de quatre usines de valorisation énergétique de déchets du groupe français CNIM, un contrat potentiel de plus de 1 milliard d’euros ». Selon le site officiel de Ajroudi, Christian Prot, délégué général de Suez Environnement pour le Moyen-Orient jusqu’en 2002, affirme avoir engrangé de nombreux contrats grâce à lui, et en particulier le contrat historique par lequel Safège (filiale de Suez) est désigné comme assistant à maîtrise d’ouvrage unique pour la rénovation et l’extension d’infrastructures hydrauliques de la province de La Mecque (dix milliards de dollars sur dix ans).

En 2004, Ajroudi évoque à l’hôtel George V en présence de diverses personnalités la création d’une filiale du groupe Veolia visant à s’implanter en Arabie saoudite et à lancer la conquête du Moyen-Orient. L’homme d’affaires Alexandre Djouhri, « incontournable à Veolia », s’y oppose.

Cela se termine en agression physique contre Ajroudi dans sa suite du George V. À la suite de l’incident, Veolia dépose plainte contre Ajroudi pour escroquerie et abus de confiance, obtenant que les actions de Vivendi ne lui soient pas vendues. Le 3 mars 2006, la plainte est classée sans suite mais Mohamed Ayachi Ajroudi n’entend pas en rester là et porte plainte contre Veolia pour dénonciation calomnieuse. En septembre 2008, la justice lui donne raison en condamnant les sociétés du groupe Veolia pour s’être appuyées sur des faits inexacts.

 

Une réputation sulfureuse en Tunisie

Dans le cadre de la politique de privatisation entamée dans les années 1990 en Tunisie, il investit plusieurs millions de dinars dans le rachat, en 1995, de la Sogetram, une société de transport de fret, ainsi que dans l’acquisition de deux hôtels. Ce n’est que le 27 mars 2010 qu’il signe un accord de partenariat avec l’Office national de l’assainissement en vue de constituer une société mixte, ONAS International. Il vise à exporter des services consultatifs et exécuter des projets dans le domaine environnemental et les services d’assainissement.

En juin 2013, après avoir tenté en vain d’infléchir les choix économiques et sociaux du gouvernement islamiste d’Ali Larayedh (Ennahdha), il lance son propre parti politique, le Mouvement du Tunisien pour la liberté et la dignité. Il tisse une alliance stratégique avec Al-Moubadara de Kamel Morjane, ministre de la Défense et des Affaires étrangères sous la présidence de Ben Ali.

Mais à la surprise générale, en septembre 2014 à quelques semaines des élections législatives, il annonce son retrait de la compétition électorale, déclarant qu’il n’a jamais couru derrière les postes […] qu’il est arrivé à la politique pour servir son pays et non pas s’en servir. Malgré les 20 mille signatures collectées, il n’est pas candidat au palais de Carthage.

Le 12 octobre, il publie un article dans lequel il dresse un bilan accablant de la troïka au pouvoir, dénonçant notamment « des politiciens généralement cupides, souvent incompétents, assoiffés de pouvoir, le tout aggravé par l’orgueil et l’absence de patriotisme » et le fait que « la Tunisie a perdu les points de force sur lesquels elle pouvait bâtir, à savoir les équilibres macroéconomiques, la capacité d’entreprendre de ses hommes d’affaires, la confiance des opérateurs nationaux et étrangers, la stabilité, et la sécurité du pays ».

 

Un magnat des médias

En août 2013, Mohamed Ayachi Ajroudi rachète la télévision privée Al Janoubiya TV. En novembre 2013, le siège de la chaîne est fermé. Ses équipements saisis à la suite d’un différend financier entre le propriétaire du local et Ayachi Ajroudi. Ce dernier dénonce une falsification des documents comptables de la société dont la propriété lui a été transférée. Il dépose plainte pour faire annuler le jugement et la décision de saisie.

Une décision de la Haute Autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) suspend la diffusion de cette chaîne de télévision. Motif : elle n’a pas obtenu de licence légale. Écopant d’une amande, Al Janoubiya TV arrête sa diffusion à partir de la Tunisie. Elle reprend alors depuis son local de Paris à partir du 1er octobre 2014, à ce jour. La chaîne diffuse un contenu considéré comme entretenant une ligne éditoriale populiste.

 

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