Race : « Il faut enlever ce mot de la Constitution » (V. Lurel)
Son combat à l’Assemblée Nationale contre le mot race dans la constitution débute en 2012. Avec d’autres députés, l’actuel sénateur socialiste, Victorin Lurel passe l’épreuve de la commission des lois mais échoue faute de majorité. Précurseur, l’ancien ministre et ancien président du conseil régional de Guadeloupe, espère que les conditions actuelles pousseront à cette suppression.
Le Courrier de l’Atlas : Vous aviez dés 2012 bataillé pour que le mot race soit retiré de la constitution. Quel est la genèse de cette proposition ?
Victorin Lurel : Comme beaucoup d’autres, j’avais des réminiscences philosophiques des études que je faisais. J’ai toujours été choqué que dans le préambule de 1946 et dans le texte même de la constitution de 1958, on inscrivait le mot race en lettres de feu dans ce texte fondamental. Nous demandions son retrait. J’ai souvenir de la visite d’un grand monsieur, d’un juif qui avait vécu Auschwitz. Pour lui, on reprenait la suite de beaucoup de militants, d’humanistes. Cela m’a beaucoup touché et ému.
LCDA : Le texte passe la commission des lois mais pas à l’Assemblée. Pourquoi ?
Victorin Lurel : Cela n’a pas été si simple. Le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann n’en voulait pas. Le ministre de la justice de l’époque Dominique Perben propose alors une commission, qui est la spécialité pour enterrer une affaire. On a féraillé pour avoir raison mais l’actualité n’aidait pas. On n’avait pas le background nécessaire.
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LCDA : A quand remonte le mot race dans la constitution ?
Victorin Lurel : Il n’apparait pas dans la constitution de 1789, ni dans celle de 1793. Le mot n’apparait pas non plus dans celle de 1875, de la 3ème République. On le voit apparaître dans le préambule de 1946 à la Libération et bien sûr dans la constitution de 1958.
LCDA : Si vous retirez le mot race, par quel mot on le remplace ?
Victorin Lurel : Par origine. Il y a plusieurs propositions. On souhaite supprimer le mot race qui n’a pas de valeur scientifique.
LCDA : En quoi le mot race est dérangeant ?
Victorin Lurel : Le mot race ne s’applique pas à l’espèce humaine. Il peut s’appliquer aux animaux. Dans l’état des connaissances scientifiques, il n’y a qu’une race humaine, une et indivisible. Nous sommes de la même famille, au delà de la couleur de peau, de faciès ou de physionimie. Citer le mot race, c’est lui donner une accréditation et un fondement scientifique à une bêtise.
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LCDA : Si c’est une évidence, pourquoi cela bloque t’il ?
Victorin Lurel : En France, le microcosme politique n’était pas prêt à l’époque. On nous sortait souvent : « supprimer le mot race ne va pas supprimer le racisme. » Cela n’est pas notre objet. le racisme est un fait social et sociétal. Notre but est de ne pas accréditer des fausses connaissances. On ne supprimait pas le mot race dans le corpus juridique français. On le supprime du corps fondamental, la constitution qui donne le la aux autres textes.
LCDA : En 2019, le président Macron a repris cette idée mais cela semble au point mort…
Victorin Lurel : J’ai refait des propositions où je redemande la suppression du mot race. Les députés acceptent en première lecture. Avec la mort de Georges Floyd, peut-être que les consciences sont mieux préparés. La France est une société multiethnique, multicolore et cosmopolite. Certains refusent de la voir comme telle. Normalement, la France a une constitution « Color Blind » comme disent les Américains. On est aveugle aux couleurs. Il faut supprimer le mot de la Constitution. Il faut aussi des politiques pour lutter contre les inégalités, de rester coller par le prisme social. Si vous introduisez la notion de Nation ou de race,
LCDA : Pour lutter contre le racisme, vous ne voyez pas d’autres solutions que la République
Victorin Lurel : Tout à fait. La République avec toutes ses promesses : Liberté, Egalité, Fraternité. Il faut aussi une politique publique appropriée. C’est un combat long à conduire. J’espère que les gouvernants ont pris conscience que la France est une société cosmopolite et qu’une politique doit être menée au niveau social pour répondre aux attentes.