Rabat/Paris. Macron, Mohammed VI, c’est fini

 Rabat/Paris. Macron, Mohammed VI, c’est fini

On dit souvent que le ridicule ne tue pas. Effectivement, continuer à croire que quelques dessins de mauvais goût caricaturant le monarque alaouite ou des articles d’une rare indécence, mettant en scène des personnes désespérées, criant leur douleur dans un contexte de tremblement de terre tragique, sont susceptibles de déstabiliser un pays comme le Maroc, est non seulement ridicule mais de plus complètement anachronique.

 

L’ère de “Notre ami le roi” ou des couvertures léchées de magazines sur la prison de Tazmamart, les documentaires à charge aux relents droit-de-l’hommistes appartiennent désormais au passé. Et il est malheureux que nos confrères de la presse française continuent aujourd’hui de se fourvoyer dans une campagne anti-marocaine, cela au moment même où la décence aurait voulu qu’ils observent plutôt quelques minutes de silence en hommage aux milliers de morts qui, semble-t-il, ont perdu la vie à cause d’un destin funeste, à moins qu’on ne soupçonne (tout est possible) la main du Makhzen derrière le séisme du Haouz.

Cette indignation à géométrie variable prêterait à sourire si elle ne dégageait pas ce parfum pestilentiel propre aux nostalgiques de l’ère coloniale. Croit-on encore que nous ignorons les insuffisances qui sont les nôtres, pense-t-on sérieusement que les Marocains ont besoin de la presse française pour savoir ce qui se passe dans les régions les plus enclavées du pays, les douars perdus avec la pauvreté à flanc de montagne, ou que la corruption a définitivement déserté l’administration ? Non, bien sûr, mais si les Marocains n’ont pas de pétrole, ils ont néanmoins une dignité qui ne souffre d’aucune exception. Nos problèmes sont grands mais notre détermination à les régler est encore plus grande.

On nous répète que le royaume a refusé l’aide de la France et de bien d’autres pays développés. Ce mantra répété à l’envi par les journalistes ajoute une dose de ridicule encore plus insupportable à ce dialogue de sourds. A-t-on oublié que le Maroc n’est ni la Corrèze, ni le nord des Bouches-du-Rhône, ni encore la Normandie ? Il s’agit là d’un pays souverain, il donne sa bénédiction à qui il veut et refuse de voir sur son territoire ceux qui font peu de cas des règles de base de la courtoisie diplomatique. D’abord on n’a rien demandé, et le Maroc n’étant pas Haïti, les autorités qui sont parfaitement rompues à la gestion des catastrophes étaient au charbon dès le premier jour.

On ne va pas inventer la poudre, de tous temps, les catastrophes naturelles appellent d’abord et avant tout une intervention de la puissance publique locale. Dans ce cas de figure, l’intervention des secouristes marocains, armée, pompiers et personnel du ministère de l’Intérieur a d’abord visé à aider les populations, à secourir les blessés, avant de se retrousser les manches pour réparer les lieux détruits et démarrer la reconstruction d’après. Cela n’empêche pas l’autogestion remarquable de la catastrophe par des citoyens venus de toutes les régions du pays, y compris de l’étranger. Ce qui prouve que les Marocains ont une capacité spontanée à prendre en charge collectivement les défis qui se posent à la communauté en ces moments tragiques.

Le premier des Marocains, le roi, pour ne pas le nommer, vient d’ailleurs d’atterrir il y a quelques heures de cela, dans la ville ocre, épicentre du séisme. Dès son arrivée à Marrakech, Mohammed VI s’est dirigé vers le Centre hospitalier universitaire (CHU) de la ville, pour se rendre au chevet des victimes. Une  démarche qui rappelle le déplacement du monarque venu témoigner de sa solidarité aux sinistrés du nord-est (Al Hoceima) du pays, frappé par un autre séisme, en 2004.

Une dernière précision : toute opération humanitaire cache au mieux des visées géopolitiques ou encore d’espionnage, ou au pire les premiers ferments d’une déstabilisation menées par de faux humanitaires, véritables “honorables correspondants” généralement “bien branchés”, autant de chevaux de Troie bien rôdés pour infiltrer le pays, s’y installer durablement, prendre des contacts, voire plus si affinités.

Alors pourquoi tout ce ramdam autour du refus de Rabat de se mettre au garde-à-vous dès que Paris éternue ? On a longtemps essayé d’analyser les rebondissements exécrables qui marquent les relations entre Paris et Rabat avant d’arriver à la conclusion que le problème était Emmanuel Macron lui-même.

Normal, ces ambiguïtés si dommageables de la diplomatie française sont personnalisées par ce président qui a inventé un genre nouveau: “le en même temps” et “le quoiqu’il en coûte”, deux formules dont les contradictions semblent parfaitement assumées par leur auteur. Ce Macron, a-t-on besoin encore de le rappeler, qui reste le seul et unique dirigeant occidental à avoir assisté aux funérailles du dictateur tchadien Idriss Déby à N’Djamena est aussi le président français qui n’a même pas essayé de faire semblant de mettre fin aux tractations avec le régime haïssable de Birmanie.

Dans une récente édition, “Le Monde” expliquait comment, depuis trente ans, le groupe pétrolier Total finançait le train de vie de généraux coupables d’un véritable génocide envers les Rohingyas, une minorité musulmane persécutée depuis des décennies en Birmanie, victimes d’une extrême répression de la part de ces militaires. Et ce, avec la bénédiction de tous les gouvernements successifs, y compris celui de Macron.

Un personnage qui peine désormais à évoquer la raison d’État et la défense des intérêts nationaux pour expliquer sa haine du royaume et ses décisions à l’emporte-pièce contre le Maroc, dont les restrictions de visas aux Marocains ne sont que la pointe de l’iceberg. Accusé tour à tour par ses pairs d’être “un petit monarque”, “un pharaon”, “l’hyperprésident” est évidemment “hors-sol”, coupé des réalités de son pays, certes, mais encore plus ignorant des réalités de cette monarchie de plusieurs siècles qu’est le Maroc.

Macron n’a rien compris au Maroc, il n’a pas encore saisi que Mohammed VI a l’avantage d’inscrire son peuple dans une notion de continuité, de stabilité suscitant l’espoir et l’unité parmi ses sujets. Ce qui ne gâche rien à la fête, c’est que le monarque est populaire auprès d’une population bigarrée où les Berbères n’ont rien à envier aux juifs, lesquels n’ont rien à envier aux musulmans. Alors que Mohammed V a défendu ses sujets juifs lorsqu’ils étaient menacés par le régime antisémite de la France de Vichy , son petit-fils leur a apporté une reconnaissance officielle dans la Constitution marocaine.

“Dans la vie, on ne fait pas ce que l’on veut, mais on est responsable de ce que l’on est”, Macron qui n’arrête pas de faire allusion aux grands philosophes, dont il n’a rien retenu d’ailleurs, devrait méditer cette sentence de Sartre avant qu’il ne soit définitivement relégué aux oubliettes de l’histoire quand Mohammed VI, lui, continuera de régner.