Le torchon brûle
Urgence politique, urgence sociale, urgence pour cause de vacance de pouvoir à la tête de l’Etat, au moment où tout semble toucher le fond, Alger n’a rien trouvé de mieux que de réchauffer la vieille antienne de l’ennemi extérieur.
La déliquescence de la politique algérienne n’a pas empêché Ramtane Lamamra, de monter sur ses grands chevaux pour charger ( une énième fois) le roi du Maroc, accusé d’avoir tenu des propos « inappropriés tenus à l'égard de l'Algérie, en raison de son soutien inconditionnel au droit du peuple sahraoui à l'autodétermination » n’hésitant pas à brandir la menace d’une réponse algérienne qui mise « sur le pire ».
Le ministre qui s’exprimait lors d'une conférence de presse, a décrypté à sa manière, le discours royal du 6 novembre, sous des auspices vengeurs : « Si nous avons bien compris, il y aura davantage de désunion, de déchirements fratricides et de combats d'arrière-garde comme nous l'avons vu durant les quarante années qui viennent de s'écouler, alors même que le monde va de l'avant et exprime, de plus en plus, son attachement à des valeurs refuges et des principes universellement soutenus comme celui de l'autodétermination des peuples ».
Qu’est ce qui a vraiment provoqué l’ire des Algériens ?
Ce n’est pas la première fois que Mohammed VI évoque les manœuvres algériennes sur fond de dossier du Sahara mais cette fois-ci, le souverain qui s’exprimait à partir de la capitale du Sud, Laayoune, tranchait dans le vif du sujet en s’attaquant directement à la situation dramatique des Sahraouis parqués à Tindouf.
« Pourquoi l'Algérie n'a rien fait pour améliorer les conditions de vie des habitants des camps de Tindouf, estimés tout au plus à 40 mille individus, soit l'équivalent de la population d'un quartier de taille moyenne dans la capitale Alger ? » s’interroge faussement le roi du Maroc qui va donner lui-même, juste quelques lignes plus loin, la réponse : « Cela veut dire qu'en quarante ans, elle n'a pas pu ou n'a pas voulu doter ces populations de quelque 6000 logements pour préserver leur dignité, soit une moyenne annuelle de 150 unités de logement… Pourquoi l'Algérie, qui a dépensé des milliards dans sa croisade militaire et diplomatique contre le Maroc, accepte-t-elle de laisser la population de Tindouf vivre cette situation dramatique et inhumaine ? ».
Avant de conclure que « l'Histoire jugera ceux qui ont réduit les enfants libres et dignes du Sahara à l'état de quémandeurs d'aides humanitaires. Elle retiendra aussi à leur sujet qu'ils ont exploité le drame d'un groupe parmi les femmes et les enfants du Sahara en faisant d'eux un butin de guerre, un fonds de commerce illégitime et un moyen de lutte diplomatique ».
Le roi n’a fait que trancher dans le vif, le nœud gordien entre la démagogie d’une Algérie au service du « droit à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental » et la réalité d’une trahison de cette population tenue en otage dans un vaste bidonville sous 45 ° à l’ombre.
La mise au pas d’une population (sahraouie) par le biais de la terreur d’Etat a ses limites. Refus de tout, nihilisme, désœuvrement moral, mécontentement radical, le pouvoir algérien, peut choisir de ne pas entendre la révolte qui gronde à Tindouf, les militaires peuvent continuer à faire des moulinets avec leurs petites épées jusqu’au jour où la jeunesse incarcérée, entre les dunes de sable criera « basta ! » à ce scénario interminable et nauséeux qui a été écrit à leur intention, et cela, il y a bien longtemps de cela, et à une époque bien révolue. Encore faudrait-il qu’au palais de la Mouradia, on soit vraiment sûr que le mur de Berlin est bien tombé.
Abdellatif El azizi