Dominique Vidal : « La majorité des juifs dans le monde sont hostiles au sionisme »

 Dominique Vidal : « La majorité des juifs dans le monde sont hostiles au sionisme »

crédit photo : Pierre Charlier/DPPI/AFP


Ce journaliste et historien est l’auteur d’ "Antisionisme = antisémitisme ?" (éd. Libertalia), un livre écrit en réaction à la déclaration d’Emmanuel Macron le 16 juillet dernier, lors de la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv’  : “Nous ne céderons rien à l’antisionisme, car c’est une forme renouvelée d’antisémitisme.”


1- Est-il important de redéfinir ce qu’est l’antisionisme ?


De nombreux acteurs du débat politique en France pratiquent l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme. D’un côté, avec l’antisémitisme, on parle d’un délit puni par la loi et de l’autre, avec l’antisionisme, d’une opinion qu’on peut approuver ou désapprouver, mais qui reste une opinion. Dans mon livre, je remonte dans l’histoire et montre que l’immense majorité des juifs jusqu’en 1945 était hostile au sionisme. Les juifs communistes, bundistes (socialistes, ndlr), religieux et libéraux ne voulaient pas du projet sioniste. La Seconde Guerre mondiale a provoqué le départ de juifs d’Europe vers Israël. Ceux des pays arabes s’y rendent également, ainsi que les juifs soviétiques. Malgré toutes ces “aliyas” (retour en Israël, ndlr), le fait est qu’aujourd’hui encore, la majorité des juifs dans le monde ne vivent pas en Israël, et ne sont donc pas sionistes. Historiquement, c’est absurde.


 


2- Que pensez-vous du livre de Pascal Boniface, Antisémite, paru en janvier (éd. Max Milo) qui dénonce le “chantage à l’antisémitisme” dont il a fait l’objet ?


D’un point de vue politique, je rejoins ce qu’il a écrit dans son livre. Il y a une volonté, à travers cet amalgame (considérer que ceux qui dénoncent l’occupation israélienne en Palestine sont antisémites, ndlr), de faire taire toute critique contre la politique israélienne. Chacun sait que les dirigeants israéliens sont très isolés au niveau international. Si vous observez les votes, à l’Assemblée générale des Nations unies, sur le droit à l’autodétermination des Palestiniens et un Etat Palestinien, il est acquis à 176 voix contre 7. C’est cet isolement que redoutent les dirigeants israéliens. L’une des voies qu’ils ont choisies, c’est de faire taire toute critique, d’autant qu’ils souhaitent passer de la colonisation des territoires palestiniens à leur annexion pure et simple. Avec cette attitude, la position israélienne va encore s’aggraver.


 


3- Doit-on et peut-on critiquer Israël ?


A mon avis oui, mais pas par obsession. Il faut juste ici rappeler que le droit international s’applique à tous. Quand Saddam Hussein a envahi le Koweït, la terre entière s’est mobilisée aux côtés de George Bush père pour libérer l’émirat. Quand les Russes interviennent en Ukraine, annexent la Crimée, il y a des protestations internationales. On ne voit pas pourquoi quand les Israéliens occupent, colonisent et bientôt annexent la Cisjordanie et Jérusalem Est, il faudrait se taire.   


MAGAZINE MARS 2018