Assia Benziane : « La violence à l’égard des femmes nous concerne tous »
En France, depuis le 1er janvier, plus de 50 femmes ont été tuées par leur conjoint. La maire-adjointe à l’égalité et aux droits des femmes à la mairie de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), également membre du Conseil consultatif du G7 pour l’égalité femmes-hommes, revient sur cette situation alarmante.
1 Comment expliquer que le nombre de féminicides ne baisse pas, malgré une prise de conscience de ce phénomène depuis quelques années ?
Il y a un souci de prise en charge au moment de la séparation du couple. C’est là que le risque est le plus élevé, là que les hommes qui ont une image de pleine possession de leur femme, n’acceptent pas de revenir à leur place et deviennent violents. On doit améliorer l’accompagnement à ce moment clé. L’autre point important est de sortir définitivement de l’acceptation sociale des violences conjugales. L’idée perdure que quand il y a des cris et des insultes chez le couple voisin, cela relève de la sphère privée. En tant que féministe, je dis que cette violence concerne tout le monde. Il faut inviter la victime à porter plainte, l’orienter vers le 3919 (numéro pour les femmes victimes de violences conjugales, ndlr) et faire savoir que, en tant que témoins, nous sommes concernés. Plus d’une femme est tuée tous les trois jours en France, aujourd’hui. Tout le monde est responsable : c’est un fait de société, pas des histoires de couples.
2 L’Etat et les institutions sont-ils à la hauteur de l’enjeu ?
Dans les commissariats, des policiers refusent encore trop souvent de prendre les plaintes, et dans les tribunaux les procédures sont beaucoup trop longues. Il faut accélérer les délais et alourdir les peines. Emmanuel Macron a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une cause du quinquennat : c’est très bien, mais il faut maintenant que ça se traduise concrètement. Cela passe notamment par la formation des fonctionnaires de police afin qu’ils comprennent que lorsqu’une femme vient porter plainte pour violence, elle s’engage dans un processus difficile. Un cheminement qu’elle doit pouvoir mener sereinement, même si cela représente une charge de travail pour eux.
3 Quelles sont les réponses les plus adaptées à l’échelle locale ?
Je reçois parfois à Fontenay-sous-Bois des femmes venues de Nogent, de Nanterre et même de Paris… Elles sont en errance dans leur ville parce qu’elles n’y ont pas repéré les associations. Je les reçois, bien sûr, mais ce n’est pas une situation normale. J’invite les candidats aux prochaines municipales à se battre pour que des délégations spécifiques aux droits des femmes soient créées dans chaque commune, afin qu’il y ait un maillage plus fin sur le territoire. Les élus locaux doivent se sentir concernés.