Annliese Nef : « Le gouvernement veut créer une université à plusieurs vitesses »

 Annliese Nef : « Le gouvernement veut créer une université à plusieurs vitesses »

crédit photo : Thomas Samson/AFP – Archives AnnLiese Nef


Cette maître de conférences à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne s’érige contre la nouvelle plateforme d’inscription pour les études post-bac, Parcoursup, qui succède à la très critiquée APB, enterrée cet automne. Et fustige le projet de réforme de l’université, qu’elle juge discriminant pour une frange des étudiants.


Que pensez-vous du projet de loi du Gouvernement qui prévoit de sélectionner les futurs étudiants dès leur entrée à la fac ?


C’est un projet inique qui vise, dans un système où déjà plus de la moitié des formations du supérieur sont sélectives, à créer une université à plusieurs vitesses et à mettre fin au libre accès des bacheliers à l’université. Le gouvernement fait semblant de vouloir améliorer APB (l’ancienne plateforme d’orientation, ndlr) et en profite pour tenter de transformer l’université en profondeur. Plutôt que de créer les places et les postes d’enseignants nécessaires à l’accueil des nombreux jeunes qui sont en âge d’étudier, il organise une sélection.


 


En quoi peut-on parler de discrimination à l’encontre de certains élèves ?


Les attendus nationaux qui décrivent le candidat parfait en fonction des filières universitaires, tels qu’ils sont connus, conduisent à un véritable tri social. On demande aux étudiants d’avoir visité des musées, fait des voyages, etc. En outre, certains bacs sont favorisés en filigrane dans les descriptions, ainsi que certaines options non disponibles sur l’ensemble du territoire (droit, par exemple). Cela signifie qu’il faudra faire un choix d’orientation dès la fin de la seconde, et toutes les familles ne sont pas à égalité pour conseiller leurs enfants.


 


Que préconisez-vous pour améliorer ce projet de loi à venir ?


Il ne peut pas être amélioré. Il doit être abandonné et il est essentiel que tous les Français se mobilisent pour défendre la jeunesse. Ce qu’on peut préconiser, c’est que le Gouvernement récupère le milliard d’euros annuel nécessaire au bon fonctionnement de l’université (un chiffre reconnu par l’ensemble des partis) sur les 5 ou 6 milliards d’euros alloués au crédit d’impôt recherche, un dispositif qui est censé aider le privé à financer de la recherche, mais qui est surtout utilisé à des fins d’optimisation fiscale. L’argent est là, il faut juste changer de politique. Aujourd’hui, les universitaires innovent sur le plan pédagogique et tentent d’aider les étudiants au maximum, mais ils sont en sous-effectif, les groupes d’étudiants sont trop nombreux… Il faut lutter contre les inégalités sociales réelles et leurs effets, et non renoncer à l’égalité.


MAGAZINE FEVRIER 2018