Quelle réponse face à la reprise des attaques terroristes ?
Trois terroristes ont précipité dimanche leur véhicule sur deux agents de la Garde nationale au niveau d’un croisement entre Akouda et Kantaoui à Sousse. Ils les ont ensuite poignardés à plusieurs reprises, faisant un mort et un blessé. Les trois assaillants ont aussitôt été éliminés. Mais face à un pays qui renoue avec les attaques terroristes, l’Etat a donné à voir l’image d’une communication dissonante, divisée entre présidence de la République et celle du gouvernement.
Ayant lui-même occupé le poste de ministre de l’Intérieur avant de devenir ce mois-ci chef du gouvernement, Mechichi connaît le dossier. Il a déclaré que « l’attaque est le fait de microbes qui tentent de prouver qu’ils existent encore », arguant que leur éradication est en cours
Les unités sécuritaires, notamment la Brigade nationale d’intervention rapide (BNIR), ont rapidement procédé au ratissage de cette zone touristique et encerclé les assaillants. Elles sont parvenues en un temps record à les neutraliser après un échange de coups de feu, explique le ministère de l’Intérieur dans un communiqué.
Si chaque opération terroriste qui aboutit est un échec en termes de renseignement, la réponse logistique fut en l’occurrence un succès.
Efficacité opérationnelle des troupes d’élite
Mobilisé, un officier de la BNIR explique que « les interventions en amont, avant ou pendant un acte terroriste de ce type, sont logistiquement plus aisées que le fait d’avoir à intervenir après l’exécution de l’attaque. Mais malgré la prise de risque élevée nous avons pu neutraliser les trois éléments terroristes », s’est-il félicité. Pensant avoir arrêté un quatrième élément quelques heures plus tard, les forces de l’ordre ont dû le libérer dans la soirée de dimanche, n’ayant finalement aucun lien avec l’opération non encore revendiquée.
Réfugiés dans une école primaire d’Akouda après s’être emparé des armes des agents attaqués, les terroristes ont été abattus sur le toit de l’école. Parmi eux, deux frères âgés de 20 et de 25 ans. Selon une source sécuritaire, ils travaillaient tous deux dans une menuiserie d’aluminium. Le plus jeune d’entre eux se serait radicalisé en l’espace de deux ans.
Un adjudant, Sami Mrabet, a péri suite à ses blessures après avoir été transféré à l’hôpital régional de Sahloul, tandis que l’adjudant Rami Limam, dans un état stable, y reçoit encore les soins nécessaires. Des opérations de ratissage ont été lancées dans plusieurs gouvernorats du pays tout au long de la journée de dimanche.
Le président Kais Saïed a rappelé qu’un projet de loi garantissant une meilleure indemnisation des familles des policiers martyrs attend d’être voté par le Parlement
La cohabitation de deux exécutifs face au terrorisme
Le fraîchement investi ministre de l’Intérieur Taoufik Charfeddine, lui-même originaire de cette région de Sousse, s’est déplacé sur les lieux où il a pris connaissance du déroulement de l’intervention des unités sécuritaires. Il s’est rendu ensuite à l’hôpital pour s’enquérir de l’état de santé de l’adjudant blessé. Apparaissant d’abord aux côtés du nouveau chef du gouvernement Hichem Mechichi puis aux côtés du président de la République Kais Saïed dont on sait qu’il est l’une des proches connaissances, Charfeddine est le seul homme à avoir fait la jonction entre les deux chefs du pouvoir exécutif.
Car face à cette reprise de la menace terroriste après plusieurs mois de trêve (la dernière opération kamikaze contre une patrouille de police remonte au mois de mars), l’Etat a raté une occasion de parler d’une seule voix, uni face au péril terroriste. Arrivés sur les lieux de l’attaque pourtant à quelques minutes d’intervalle, les deux cortèges respectifs de Saïed et Mechichi se sont semble-t-il soigneusement évités, confirmant ainsi le malaise entre les deux hommes depuis le différend les ayant opposés en marge des péripéties du vote de la confiance.
Chacun y est donc allé de sa déclaration patriotique face aux médias dépêchés sur place, visiblement soucieux de marquer des points politiques, sans jamais s’afficher en tandem. Si même en pareille occasion les deux têtes de l’exécutif se montrent incapables de dépasser leurs divergences du moment, cela laisse augurer d’une cohabitation aux allures de guerre froide qui s’installe dans la durée.