Quel avenir pour les activités du FMI en Tunisie ?

 Quel avenir pour les activités du FMI en Tunisie ?

Le président Kais Saïed estimant depuis près de deux ans que le FMI se rend coupable d’ingérence en s’immisçant dans les affaires économiques du pays, la Tunisie aurait selon le site African intelligence décidé de couper tout contact avec l’institution internationale.

L’information est également relayée par le journal Al Majalla, qui rapporte que « le Fonds monétaire international a définitivement fermé son bureau à Tunis et son représentant, Marc Gérard, a quitté le pays ». Selon le média, cette décision serait intervenue après le brutal limogeage de la ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, le 5 février 2025.

Mais face au mutisme du FMI à ce jour, l’information reste pour le moment invérifiable à la source, d’autant que le site du bureau FMI en Tunisie demeure en ligne.

14 mois après l’annulation à la dernière minute d’une mission du FMI qui devait se déplacer à Tunis en décembre 2023 afin de procéder à des consultations avec les autorités du pays, ces dernières ont finalement décidé de ne pas reprogrammer la rencontre. En juin 2023, en marge du sommet pour un nouveau pacte financier mondial à Paris, le président Saïed avait bien croisé la route de la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, mais l’entrevue n’a connu aucune suite.

Avant le coup de force du 25 juillet 2021, ces consultations se déroulaient de manière cyclique annuelle. Sur les conseils de l’ex-ministre aux affaires sociales Malek Ezzahi à coloration socialiste, « le locataire du palais de Carthage a tout bonnement décidé de rompre avec l’institution internationale », rapporte African intelligence.

Même si le divorce était déjà officieusement consommé, à Tunis, le représentant du FMI, Marc Gérard, fait les frais de cette crise avec la Tunisie. En effet il n’était plus invité aux rencontres entre les autorités tunisiennes et les bailleurs de fonds internationaux. Après avoir été reçu en février 2022 par l’ex-ministre des finances Sihem Boughdiri Nemsia, Gérard n’a ainsi plus croisé de ministres tunisiens.

Les autorités maintiennent en revanche leurs contacts avec la Banque mondiale. Le nouveau ministre de l’économie et de la planification, Samir Abdelhafidh, a bien rencontré le directeur pays de l’institution de Washington pour le Maghreb et Malte, Ahmadou Moustapha Ndiaye, à deux reprises au cours des quatre derniers mois de 2024 et a même conclu avec lui un mémorandum le 9 décembre.

 

Liste noire du FMI et alternatives potentielles

Néanmoins de l’avis de nombreux économistes, la difficulté d’accès au financement consécutive à cette situation ne concerne pas seulement la sortie sur le marché monétaire, mais également l’accès à des financements, dans le cadre d’accords bilatéraux, étant donné que plusieurs pays conditionnent le décaissement de leur aide à la Tunisie à la conclusion d’un accord avec le FMI.

Or, la Tunisie figure pour la première fois depuis son adhésion au FMI en 1958 sur la « liste négative » de l’institution monétaire internationale, rendue publique le 5 janvier 2024. Cette liste regroupe les pays dont la conclusion des consultations a pris des retards dépassant 18 mois, outre le délai normal de 15 mois, pour diverses raisons.

Ladite liste comprend notamment des pays dont le Venezuela, le Yémen, la Biélorussie, le Tchad, Haïti, ou encore Myanmar. Des experts tunisiens ont toutefois considéré qu’il s’agit d’une procédure « purement administrative » qui ne se limite pas seulement au cas de la Tunisie, mais concerne de nombreux pays. D’autres ont confirmé que cette mention dans la liste négative va compliquer davantage encore l’accès de la Tunisie aux financements extérieurs.

Les négociations avec le FMI étant quoi qu’il en soit à l’arrêt, l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE) a déclaré qu’il est crucial de promouvoir la mise en œuvre des accords financiers régionaux, tels que le protocole relatif à la création du Fonds monétaire africain. La Banque africaine d’import-export devrait par ailleurs être la première source de prêts extérieurs pour financer le budget de la Tunisie en 2025.

Le 27 décembre 2024, le Parlement tunisien a approuvé un accord de prêt d’un montant de 500 millions de dollars signé entre la Banque centrale tunisienne et Afreximbank, avec un taux d’intérêt de 5,51 %. L’OTE a estimé que les conditions de ce prêt paraissent de prime abord préférentielles, compte tenu du classement souverain de la Tunisie et de la difficulté d’accès aux marchés financiers traditionnels. Cependant, elles incluent également un dépôt de garantie de 350 millions de dollars de la part de la Banque centrale tunisienne.