Propos de Kais Saied sur l’immigration : l’Union africaine monte au créneau

 Propos de Kais Saied sur l’immigration : l’Union africaine monte au créneau

L’indignation ne retombe pas après les propos polémiques et versant dans le complotisme de Kais Saied. © Fethi Belaïd / AFP

Le discours du président Tunisien Kais Saied sur les migrants subsahariens continue de susciter des remous en Tunisie et à l’international. Dernière réaction de taille : l’Union africaine « condamne fermement » les propos visant les ressortissants africains en Tunisie.

À chaque sortie, le président Kais Saied risque davantage l’isolement international de la Tunisie. Le tournant autoritaire teinté de souverainisme pris par le locataire de Carthage suscite déjà une inquiétude grandissante des chancelleries occidentales. La récente déclaration polémique sur l’immigration irrégulière en Tunisie a ouvert un nouveau front à la fois à l’intérieur du pays et sur la scène diplomatique.

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Par la voix du président de la Commission, l’Union africaine (UA) a réagi vendredi aux « déclarations choquantes (…) contre des compatriotes africains ». La Commission avait auparavant convoqué le représentant permanent de la Tunisie auprès de l’UA pour « exprimer les vives préoccupations » de l’organisation. L’UA rappelle également à la Tunisie ses obligations légales en vertu du droit international, « à savoir traiter tous les migrants avec dignité (et) s’abstenir de tout discours haineux à caractère raciste ».


Publication sur Facebook de Moussa Faki Mahamat, Président de la Comission de l’Union africaine

Capitales africaines inquiètes

D’autres capitales africaines ont également exprimé leur préoccupation. Le Mali exprime ainsi sa « plus grande préoccupation sur la situation » de ses ressortissants, selon un communiqué de son ambassade à Tunis. La représentation malienne propose d’ailleurs à ceux qui le souhaitent de faciliter leur retour dans leur pays.

Communiqué de l’ambassade du Mali en Tunisie

En mission de déminage de ce qui apparait de plus en plus comme un grave faux pas de Kais Saied, le ministre des Affaires étrangères, Nabil Ammar, a publié un message « de fraternité et de responsabilité » aux ressortissants africains en Tunisie. Il assure que « toutes les mesures sont prises pour assurer leur sécurité et leur dignité ».

Sur France 24, M. Ammar a dénoncé une « interprétation erronée » des propos du président de la République. Selon lui, « il ne s’agit pas d’un discours haineux », mais simplement le constat des problèmes que pose la présence de migrants en Tunisie. Il est toutefois apparu en difficulté pour justifier le caractère complotiste du phénomène migratoire avancé par le Chef de l’État et pour commenter les réactions internationales, dont celle de l’Union africaine.

Nouveau front intérieur

Dans son communiqué, comme lors de ses interventions dans les médias, le ministre a tenté de rassurer les migrants en situation régulière. Ils « n’ont aucun motif de s’inquiéter », a-t-il martelé. « Les illégaux doivent se manifester rapidement pour organiser le retour », a ajouté Nabil Ammar.

Communiqué du ministre tunisien des Affaires étrangères

La déclaration du 21 février du président tunisien semble avoir libéré la parole raciste dans le pays. Les témoignages de personnes agressées, licenciées ou mises à la porte de leurs logements en raison de leur couleur de peau ou de leur nationalité se multiplient sur les réseaux sociaux. Pour chaque commentaire de soutien à la communauté subsaharienne, on compte un nombre croissant de réactions ouvertement xénophobes.

Ce samedi, plusieurs organisations avaient appelé à une manifestation contre le racisme à Tunis. D’autres rassemblements s’organisent, notamment à Paris, dans les prochains jours. Des associations, dont la Ligue tunisienne des droits de l’homme et le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, avaient déjà condamné la déclaration du 21 février. La puissante centrale syndicale UGTT a également annoncé un « engagement fort dans la défense des droits des travailleurs et travailleuses migrants ». Le syndicat, prix Nobel de la Paix en 2015, déplore que les migrants fassent « actuellement face à une campagne haineuse, discriminatoire, raciste et xénophobe ».