L’Irlande, meilleur avocat européen de la Palestine ?

 L’Irlande, meilleur avocat européen de la Palestine ?

crédit photo : Artur Widak / Nurphoto/ AFP


Loi au sénat demandant l’interdiction de l’importation des produits en provenance des territoires occupés, drapeau palestinien hissé au dessus de la mairie de Dublin, reconnaissance prochaine de l’Etat de Palestine,… Ce n’est pas un pays arabe mais bien l’Irlande, pays européen qui est derrière l’ensemble de ces mesures au point qu’on se demande si l’île n’est  pas le meilleur défenseur de la cause palestinienne.


Au plus fort du blocus opéré sur Gaza en 2010, une flotille, le MV Rachel Corrie, battant pavillon irlandais et acheminant 200 tonnes de matériel médical, est « bloqué » par les forces israéliennes. A son bord, des militants pro-palestiniens, un ancien haut responsable de l’ONU, Denis Halliday et surtout, une Irlandaise, Mairead Maguire. Et ce n’est pas n’importe qui puisqu’elle est lauréate 1976 du Prix Nobel de la Paix !


La militante des droits humains qui avait accusé l’Etat d’Israël de commettre « l’apartheid et le nettoyage ethnique contre le peuple palestinien », se retrouve derrière les barreaux à son arrivée. Une situation qui a provoqué la colère du Premier Ministre irlandais de l’époque. Sur le terrain diplomatique, on ne compte plus les convocations et rappels de l’ambassadeur irlandais en Israël ou celui de l’ambassadeur israélien à Dublin. Les relations entre les deux pays sont exécrables. A tel point que tous les sites pro-israéliens considèrent l’Irlande comme le pays le plus hostile à leur politique. Il convient de nuancer car les partis loyalistes sont plutôt proches du pouvoir israélien et les autres partis (notamment le Sinn Fèin) plus enclins à défendre la cause palestinienne.


Toutefois, une rapide ballade dans les rues de Dublin ou de Belfast, permet de mieux saisir à quel point la cause palestinienne est importante en Irlande. Des tags, des fresques ou des portraits à l’effigie de la cause palestinienne fleurissent dans ces villes. Pourtant, on est bien loin de la présence d’’une grande communauté arabe dans le pays. Une solidarité naturelle entre les populations s’est installée. La cause est portée par les Irlandais eux-mêmes de manière sincère et loyale.


On le doit beaucoup à l’histoire de ce pays qui a été traversé par une situation similaire « C’est simple. Nous autres irlandais, comprenons le sens du mot occupation », déclare le sénateur Paul Gavan. « Nous avons connu une situation similaire avec la Grande Bretagne. Il est facile dès lors de faire le parallèle avec ce qu’il se passe au Proche-Orient. Nous savons ce que signifie le fait d’être colonisé et occupé. De plus, il est indéniable que nous avons de l’empathie avec ce que vit le peuple palestinien. »


En effet, l’Irlande comme la Palestine a connu une situation de guerre de décolonisation pendant plusieurs années. Dans les années 80, l’IRA avait des liens étroits avec l’OLP de Yasser Arafat, notamment dans les périodes dures du conflit israélo-palestinien. Une proximité qui ne s’est jamais défait même après le processus de paix en Irlande avec les accords de Belfast et le cessez le feu de l’IRA en 2005 qui ont permis de régler le conflit. Les politiciens irlandais sont donc toujours restés sensibles à ce qui pourrait apporter une solution au Proche-Orient.


«J’ai visité, il y a deux ans la Palestine, nous explique le sénateur Paul Gavan, j’ai été très choqué par la manière dont étaient traités les Palestiniens et l’étouffement à tous niveaux dont ils font l’objet.  Je pense que les Irlandais comprennent, de manière instinctive, presque dans leurs chairs, les mesures qui sont en cours. Je ne suis pas le seul à m’y être rendu. De nombreux politiques irlandais ont visité la Palestine pour comprendre ce qui se passe sur le terrain. Quand ils reviennent en Irlande, ils nous l’expliquent. C’est, à partir de ce jugement de terrain que nous arrivons à avoir des positions claires sur ce qu’il se passe là-bas. »


Le poids de l’histoire donc reste important mais on peut noter aussi des parallèles intéressants entre les deux situations. Outre le fait qu’il s’agit d’un conflit qui s’éternise, on pourrait penser que l’aspect religieux y a son importance (musulmans et Chrétiens/juifs au Proche-Orient et Anglicans/Catholiques en Irlande). Un aspect qui ne convint pas Paul Gavan. «Je ne pense pas que l’Eglise est un rôle important dans nos positions. Elles sont transversales et dépassent le cadre religieux. Elles sont très diverses allant des laïcs aux religieux. Il faut juste comprendre que nous savons de ce que signifie la « libération nationale » d’un pays. »


Ayant vécu une période de ségrégation particulièrement violente en Irlande du Nord (découpage électorale, distribution de logements sociaux, discrimination à l’embauche, éducation, etc..), les Irlandais sont plus à même de comprendre la situation palestinienne. Le Mouvement pour les droits civiques se lance d’ailleurs au milieu des années 60 et les discriminations subies seront en grande partie la cause du conflit en Irlande.


Ayant vécu dans leurs « peaux » ces ségrégations, les Irlandais seront d’ailleurs particulièrement actifs dans le combat contre l’apartheid en Afrique du Sud. Pour eux, le combat est le même pour la Palestine.  Que ce soit les manifestations, les sanctions économiques contre les produits en provenance des territoires occupées ou le boycott mené par le BDS, tous ces signes de protestation sont des manifestations anti-apartheid. Il faut les mettre au même niveau que les chants des membres du Celtic Glasgow, en Ecosse, qui agitent des drapeaux palestiniens chaque semaine dans leur stade.


 



Et les Irlandais ne sont pas uniquement dans la protestation. Ils tentent aussi de rapprocher les deux protagonistes comme ses travaux pour mettre des ponts entre les belligérants. En effet, l’ICCI (Interreligious Coordinating Council in Israel) est en lien direct avec la Communauté Corrymeela en Irlande du Nord pour établir des rencontres entre les membres des quatre communautés (irlandais, nord-irlandais, israéliens et palestiniens). Connaître son « ennemi », c’est faire déjà un pas vers sa reconnaissance !


L’Irlande mérite donc qu’on s’y attarde à titre d’exemple pour la résolution du conflit au Proche-Orient. Malgré tout ce qu’ils ont vécu, ils ont réussi à outrepasser leurs situations avec les britanniques et à persévérer dans un processus de paix.


Voir aussi :


Sénateur Paul Gavan (Irlande) : "Israël est un pays où règne l'apartheid"