Charles Enderlin, reporter spécialiste du conflit israélo-palestinien, tire sa révérence

 Charles Enderlin, reporter spécialiste du conflit israélo-palestinien, tire sa révérence

Loué par ses pairs pour son professionnalisme et son objectivité


Bête noire de certains juifs qui ne lui ont pas pardonné son traitement de l'affaire dite « al-Doura », Charles Enderlin rend lundi les clés du bureau de Jérusalem à France 2, après trois décennies de correspondance en Israël et dans les territoires palestiniens. Le reporter vétéran, qui connaît « tout le monde » au Proche-Orient, fêtera ses 70 ans le 2 octobre. 


 


Trois décennies au cœur du conflit


À la fin de l'année, cette référence du conflit israélo-palestinien sera retraitée, mais n'abandonnera pas pour autant son sujet et sa terre d'Israël, ni l'écriture et l'image. « Je vais continuer autrement, à un autre rythme, celui du documentaire », déclare-t-il. L'homme a déjà réalisé des documentaires TV et publié des ouvrages sur le conflit israélo-palestinien, comme « Paix ou guerre » ou « Au nom du temple », titre d'un film diffusé sur France 2 au printemps dernier.


En 2010, il revient dans le livre « Un enfant est mort » sur l'événement le plus marquant de sa carrière, à l'origine d'une violente polémique et d'une décennie de procès : le décès en 2000 de Mohammed al-Doura, un Palestinien de 12 ans touché, selon lui, par des balles israéliennes.


Son reportage, qui montre le jeune palestinien et son père pris entre les feux croisés de soldats israéliens et combattants palestiniens, émeut l'opinion publique internationale, mais lance aussi une vive controverse sur l'origine des tirs ayant tué le garçon. Enderlin subit alors une campagne de déstabilisation, en France comme en Israël, doublée d'appels au meurtre du « collabo ».


 


Critiqué pour son objectivité


Selon Akiva Eldar, ancien éditorialiste du quotidien israélien Haaretz, c'est le correspondant étranger « qui connaît le mieux la situation, il a su donner des informations et les analyser mieux que certains journalistes locaux ». Né en France de parents juifs autrichiens, il arrive en Israël en 1968. Il en obtient la citoyenneté deux ans plus tard. « J'ai rempli toutes mes obligations envers mes deux pays », relève-t-il avec sa fougue caractéristique.


Des juifs français s'acharnent sur sa réputation, au point de lui attribuer un « Prix Goebbels ». Philippe Karsenty, fondateur de Media-Ratings, qui avait qualifié le reportage de « supercherie », a été condamné en appel pour diffamation en 2013. « C'est une infamie absolue », s'insurge Arlette Chabot qui dirigeait les informations de la chaîne à l'époque. « Cette affaire a été douloureuse, il n'aurait jamais dû être mis en cause, il a toujours travaillé avec honnêteté », ajoute la journaliste : « C'est un type courageux et solide ». Pour Boaz Bismuth, journaliste au quotidien de droite Israël Hayom, Charles Enderlin « a su être d’abord journaliste, avant d’être Français et Israélien, ce qui lui a coûté cher ».


Connu comme le loup blanc au Proche-Orient, il reste la bête noire d'une partie des juifs français, qui ne lui pardonnent pas l'affaire. Richard Prasquier, président des institutions juives de France (Crif) à l'époque dénonce un homme « trop orgueilleux » pour reconnaître « une erreur tragique et dramatique qui a eu des conséquences lourdes sur l'image du conflit israélo-palestinien ».


« Prasquier s’est lancé dans un combat qu’il a perdu et a porté atteinte à l’image et à la crédibilité du Crif », rétorque Charles Enderlin, qui dit « avoir fait la paix » récemment avec l'association juive et son actuel président Roger Cukierman.


 


« Les deux parties ont raté le coche » de la paix


Ouvertement partisan de la création d'un État palestinien, le reporter est pessimiste quant à son aboutissement : « Les deux parties ont raté le coche ». Il lui est même arrivé de prêter son bureau de France 2 à Jérusalem « pour des rencontres secrètes » entre les négociateurs, confie-t-il.


« Les confrères du studio, ABC, BBC, AFP les voyaient dans l'ascenseur puis rentrer chez moi », raconte-t-il amusé, « ils croyaient qu'ils venaient se faire interviewer, mais en fait, ils s'enfermaient, seuls, dans une pièce ». « C'est un cas unique », dit de lui Leïla Shahid, ex-ambassadrice de l'Autorité palestinienne à Bruxelles, « il a une telle connaissance de la région que les diplomates le consultent pour comprendre ».


Rached Cherif