Avoir 20 ans à Naplouse : les rêves et la résistance
Invités par l’université d’Orléans, un groupe d’étudiants palestiniens assistent aux « Voix d’Orléans » 2019, lors desquels est projeté leur film documentaire. Plein de vie et d’espoir, ce court-métrage propose une vision de Naplouse à l’opposé des idées reçues. Une fois le générique de fin terminé, la réalité se rappelle néanmoins à tous lors de la séance animée d’échange avec la salle.
Ibaa, Yacoub, Rima et quelques autres ont 20 ans et vivent « enfermés dehors », comme le rappelle l’exposition photo en cours dans la ville d’Orléans. Sur l’estrade à partir de laquelle ils répondent aux questions du public, ils envoient pourtant l’image d’une jeunesse normale : celle qui « rêve et vit », insiste Ibaa.
Sous la houlette du réalisateur Mathieu Maillard et avec le concours de l’association Médialogue et de l’université d’Orléans, ils ont réalisé le documentaire « Les Voix de Naplouse » pour montrer le quotidien des Nablusi et ainsi déconstruire les stéréotypes véhiculés par les médias occidentaux. Le titre du film fait écho à l’événement qui les accueille dans la cité johannique pour la première projection hors de Palestine.
Grâce à la caméra et à la langue française qu’ils étudient à l’université An-Najah, ils « s’ouvrent une fenêtre sur le monde et peuvent transmettre leur message », espère Ibaa. Malgré l’occupation et ses restrictions, ce message est d’abord celui d’un espoir et une soif de liberté.
Plus de 30 heures de voyage
Une liberté difficilement accessible. Après le processus d’obtention d’un visa, ce ne sont pas moins de trois frontières qu’il leur a fallu traverser avant de monter dans l’avion. Une fois sortie de Cisjordanie, puis franchie la frontière israélo-jordanienne en route vers Amman, « nous nous sommes écriés en chœur "liberté !" », se rappelle Yacoub, ému. « Pour la première fois de ma vie, je n’étais plus dans un territoire sous occupation », ajoute le jeune homme.
Les deux enseignants qui les accompagnent et certains de ces jeunes avaient déjà voyagé ou étudié en Europe ou en Amérique du Nord. Pourtant, aucun ne songe ne pas rentrer à Naplouse. « Il y a une sorte d’engagement avec la famille, l’université, nos jeunes », explique Wassim, leur professeur de français. Pour tous, vivre à Naplouse, y étudier ou y enseigner, c’est résister à l’occupant.
« Je rêve de voyager et de découvrir le monde. C’est une chance de pouvoir venir à Orléans », explique Ibaa tout sourire. Elle ne connaissait jusqu’à présent la ville qu’à travers ses cours sur l’histoire et la géographie françaises. Mais, contrairement à l’un de ses auteurs favoris, un certain Victor Hugo, elle « ne souhaite pas quitter (son) pays. Nous résistons par l’éducation et par la transmission de notre message depuis la Palestine ».
Rached Cherif
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