Procès Rached Ghannouchi : le comité de défense dénonce « des dossiers vides »

 Procès Rached Ghannouchi : le comité de défense dénonce « des dossiers vides »

L’avocat Sami Triki, principal intervenant de la conférence de presse

Le comité de défense du chef du mouvement Ennahdha et ancien président du Parlement, Rached Ghannouchi, a tenu le 23 mai 2023 un point presse pour revenir sur la récente décision de justice qu’il considère inique, en vertu de la quelle l’octogénaire à écopé d’1 an de prison ferme.  

 

Déjà incarcéré depuis plus d’un mois, le dirigeant islamiste avait été pour rappel condamné le à un an de prison par contumace le 15 mai dernier, ainsi qu’à verser une amende de mille dinars. Une sentence prononcée en son absence, Ghannouchi et sa défense ayant décidé de boycotter les audiences, estimant que l’homme fait l’objet d’un acharnement judiciaire du pouvoir en place.

Il s’agissait en l’occurrence d’une condamnation pour « apologie du terrorisme » dans une affaire pour laquelle il avait été entendu dès février par le pôle judiciaire antiterroriste. Sa convocation intervenait suite à une plainte déposée par un syndicat de policiers qui l’accuse d’inciter les Tunisiens à s’entretuer, en raison de propos tenus début 2022 lors des obsèques d’un leader d’Ennahdha. Il avait alors affirmé que le défunt « ne craignait pas les tyrans (al taghout) », un terme à connotation religieuse.

Mais ce n’est pas là le seul dossier auquel doit répondre Rached Ghannouchi devant la justice, au moins huit autres plaintes ayant été déposées contre lui, dont une concernant les filiales présumées de transport de Tunisiens dans les zones de tension en Syrie.

 

« Aucune preuve matérielle »

Revenant sur la notion de preuve matérielle en matière de droit pénal, le comité de défense a martelé que tous les dossiers qui ont été montés contre Rached Ghannouchi sont vides et ne comportent aucune preuve matérielle corroborant les accusations qu’on émet à son encontre.

L’avocat Sami Triki a souligné que l’affaire contre Rached Ghannouchi a été fabriquée sur la base de déclarations politiques, « souvent arrangées pour les sortir de leur contexte, transformées à la retranscription sans inclure la vidéo complète et authentique dans le dossier ».

Triki ajoute que « Ghannouchi s’est exprimé pour dénoncer les discours d’exclusion, ceux-là mêmes qui ont pour projet d’inciter à la guerre civile. Il a dénoncé cela et le voilà accusé de nourrir ce projet (…) On fabrique et falsifie des éléments pour cibler Rached Ghannouchi, on ne fait même pas attention à l’authenticité des éléments qu’on ajoute au dossier et nous avons porté plainte dans ce sens ».

L’avocat du numéro 1 d’Ennahdha, Amine Bouker, a quant à lui affirmé que l’implication de Rached Ghannouchi dans l’affaire dite « Instalingo » (une agence de communication entretenant des liens présumés avec l’étranger) est une aberration et dénote d’une volonté politique de l’atteindre en tant qu’opposant :

« Nous ne savons ce que c’est au juste Instalingo et qui sont les impliqués. En 2021, Rached Ghannouchi n’était pas concerné par les poursuites, ni l’enquête, mais voilà qu’on rouvre ce même dossier pour inclure son de façon parachutée. On l’a auditionné, on a perquisitionné, on a tenté de retenir la preuve contre lui, en vain. Il a été laissé en liberté, décision argumentée et appuyée, mais lorsqu’il s’agit d’émettre un mandat de dépôt plus tard, là on le fait sans le moindre argument, sans la moindre explication », déplore-t-il, qualifiant la décision de politique.

Le comité de défense a indiqué que Rached Ghannouchi est au total poursuivi dans neuf affaires, qu’il a été auditionné pendant près de 120 heures « pour ses déclarations et ses opinions », là où selon eux leur client « n’a fait qu’appeler à l’unité nationale contre la dictature ». « Usé, il maintient sa décision de boycotter toute convocation future émanant d’un juge d’instruction », a enfin déclaré le comité.

Ghannouchi a été arrêté de façon spectaculaire à son domicile le 15 avril dernier, suite à une allocution prononcée durant une rencontre ramadanesque tenue le 15 avril 2023 par le Front de salut national, diffusée sur les réseaux sociaux. Il est notamment accusé depuis de complot contre la sûreté nationale.

Cosignée par des personnalités d’une vingtaine de pays, une pétition sous forme de lettre ouverte a été signée à ce jour par près de cents figures publiques parmi lesquelles plusieurs intellectuels et universitaires dont Olivier Roy, Donald L. Horowitz, François Burgat, Jocelyne Cesari et Noam Chomsky. Ils y demandent la libération de Rached Ghannouchi ainsi que de « tous les prisonniers politiques en Tunisie ».

 

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