Une première en France, une rue porte le nom d’une « femme voilée »

 Une première en France, une rue porte le nom d’une « femme voilée »

Nadiya Lazzouni, jounaliste. Une rue à Caen porte son nom depuis le 18 septembre 2020. Crédit photo : ALBAN VAN WASSENHOVE

Quand Nadiya Lazzouni, une journaliste de 36 ans, a appris qu’une rue allait porter son nom, elle a d’abord cru à une blague. Le 18 septembre, la rue « Nadiya Lazzouni » a vu le jour à Caen. Une première en France pour une « femme voilée ».

 

Une nomination hautement symbolique pour Nadiya qui a grandi dans une petite ville normande, près de Rouen. « On veut éradiquer de l’espace public les femmes musulmanes qui portent le hijab et aujourd’hui, l’espace public donne une rue à une femme qui le porte », lance-t-elle fièrement.

Aux côtés de Nadiya Lazzouni, une touche-à-tout, à la fois juriste, journaliste et productrice, ce sont 49 autres femmes qui ont « obtenu » à Caen une rue à leur nom. Un projet, en partenariat avec la municipalité de Caen et les journées du Patrimoine, né il y a un an et initié par l’association « Caen à ELLES ».

Les femmes à l’honneur

Objectif : apposer 50 plaques de noms de rue de femmes dans le centre-ville de Caen à côté de celles d’hommes.  A Caen, seules 3% des rues portent le nom d’une femme. « Pendant huit mois, nous avons fait un gros travail d’archives pour obtenir une liste de femmes normandes qui se sont illustrées dans un domaine particulier », explique la présidente de l’association Pauline Vanbelle.

« Pour la nomination, il fallait que la personne ait un lien direct ou indirect avec la Normandie », continue Pauline. « Il s’agit pour nous d’un acte de réappropriation de l’espace public par et pour les femmes mais aussi une volonté d’enrichir et de diversifier l’héritage culturel local », précise-t-elle encore.

Pour l’association, le projet se voulait aussi « inclusif ». Le choix de Nadiya Lazzouni a donc semblé naturel. « De par son métier, Nadiya fait un travail remarquable en donnant la parole à des personnes invisibilisées dans notre société, en plus de tous les combats qu’elle mène en faveur des femmes », rappelle Pauline.

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Une plaque définitive

Une fois la liste dressée, l’association l’a présentée aux élus de la majorité de la ville de Caen qui ont validé les 50 noms.

« Quelques noms ont un peu posé problème», avoue Pauline. « Mais pas celui de Nadiya », confirme la présidente de l’association, ravie que « tous les noms aient été acceptés », au final.

Les plaques qui ont été posées temporairement mi-septembre seront bientôt remplacées. « La mairie ne va pas débaptiser les rues, les nouvelles plaques seront posées à côté mais elles resteront de manière définitive », se félicite Pauline.

L’inauguration de la plaque de Nadiya Lazzouni a donc eu lieu le 18 septembre dans le centre-ville de Caen. Une inauguration tenue secrète jusqu’au bout.

« Le contexte de violence inouïe à l’endroit des femmes qui portent le foulard nous a invités à la précaution », se justifie la jeune femme.

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« C’est aussi la mémoire de nos pères et mères qui est célébrée »

Une plaque que Nadiya a tenu à dédier à toutes les « femmes qui n’ont plus la force de supporter le coût psychologique lié aux violences réelles et symboliques qu’elles subissent ». « Cette plaque est au nom de toutes les femmes qui meurent tous les 2 jours sous les coups de leurs compagnons, qui subissent le harcèlement de rue, à toutes celles discriminées sur le marché de l’emploi parce qu’elles portent un foulard », embraie la trentenaire.

Avant de conclure très émue : « À travers cette plaque, c’est aussi la mémoire de nos pères et mères qui est célébrée. Cette plaque est au nom de tous les Monsieur Lazzouni qui ont quitté leur pays d’origine pour reconstruire la France au prix de leur santé et les Madame Lazzouni qui ont consacré leur vie à l’éducation de leurs enfants ».

 

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