(video) Taha Bouhafs, « Rouletabille » militant
Le journaliste de Là-bas si j'y suis, a été interpellé après la sortie express du Président de la République du théâtre des Bouffes du Nord avant d'être relaxé par les autorités policières. Souvent critiqué, il est pourtant l'auteur de la vidéo où l'on voit Alexandre Benalla malmener des manifestants et aux premières loges des combats des quartiers populaires et des gilets jaunes. Portrait du journaliste des luttes.
Taha Bouhafs n’est pas un homme facile à suivre. Le jeune de 22 ans est de tous les combats sociaux des dernières années. Une implication qui lui vient de ses antécedents familiaux. "Cet engagement, il prend racine dans ce qu'on put faire nos ainés dans tous les combats qu'ils ont mené, précise le militant. C'est une continuité. On ne sort pas de nulle part. On vient des différents mouvements, comme celui du MIB, MTA (Mouvement des Travailleurs Arabes). Les quartiers populaires et les violences policières devraient être une question centrale. Notre boulot est de faire changer les centres de gravité. Il n'y aura pas de transformation de la société, pas de révolution sans les quartiers populaires"
Né en Algérie, Taha arrive à l’âge de 4 ans en France dans la banlieue de Grenoble, à Echirolles. Une banlieue qui a été au cœur d’une polémique provoqué par l’ancien président Sarkozy lors de son fameux discours de Grenoble. "On arrive dans un quartier pauvre où les services publics sont assez amoindries et voire inexistants. Ca engendre de la violence, de la violence policière car il y a une violence sociale qui s'exerce sur les jeunes du quartier" indique Taha.
Très vite, il comprend que les jeunes de quartiers populaires sont mis sur des voies de garages, le poussant à aller vers le militantisme et l’engagement. "Dans les quartiers populaires, on est politisé, s'insurge Taha Bouhafs. On est politisé de fait car on vit des injustices dans des formes qui ne sont pas celles des gens parfumés. La pierre angulaire de mon engagement a été le conflit israélo palestinien. Puis je suis allé vers des questions de citoyenneté".
Impliqué dans le mouvement des gilets jaunes, il aussi fait partie aussi des Insoumis. Il a même récolté 12% des suffrages aux législatives dans l’Isère. "Il y avait une défiance vis à vis du politique. Je pensais que les difficultés que je vivais ne pouvait pas être porté par quelqu'un d'autre que moi. J'ai fait le mouvement nuit debout, les contestations sociales contre les lois El Khomri. Je me suis formé à la politique de façon autodidacte", rajoute le militant.
Mais Taha Bouhafs n’est pas un militant comme les autres. Très actif sur les réseaux sociaux, il est l’homme par qui le scandale du quniquennat Macron a débuté. "Il y a un apéro militant et je vois deux policiers tirés des manifestants, les passer à tabac avec des CRS. La scène est particulièrement violente. C'est pas normal. Je sors mon téléphone et filme en pensant qu'il s'agit d'une violence policière. 2 mois et demi plus tard, le Monde me signale qu'il s'agit d'un des collaborateurs du président, Alexandre Benalla. On se trouve alors dans une crise de l'Etat "
Cette prise de conscience, cette volonté d’être sur l’évenement, lui ont conféré un rôle à part dans les mouvements sociaux. "J'ai vu qu'il était à l'orgine de l'affaire Benalla. C'est un vrai Rouletabille radical, nous indique le député de la France Insoumise de Seine Saint Denis, Eric Coquerel. Il a une vision de journaliste au service d'un militant politique". Même s'il nous confie ne pas connaitre Rouletabille ("Ce n'est pas ma génération"), Taha Bouhafs insiste sur le fait qu'il faut que nous soyons tous des "vigies citoyennes. Je milite pour une vraie justice sociale, pour une réorganisation des pouvoirs"
Bien que sceptique sur les gilets jaunes au début, il s’implique pleinement dans ce qu’il considére comme une révolution citoyenne. Soutien du collectif Adama qui a lancé l’appel de Saint Lazare, réunissant les quartiers populaires, Taha Bouhafs voit là une possibilité de faire converger les luttes sociales. "Les banlieues, c'est qui ? Ce sont les ouvriers, les précaires, les étudiants qui se mobilisent. La banlieue fait partie de ce mouvement. Ils ont une place très importante dans cette bataille car ils habitent dans des zones excentrées. Ce sont les premiers touchés avec les milieux ruraux. Il y a cette nécessité de faire cette convergence"
Engagé politique, militant des quartiers populaires, vigie citoyenne et journaliste militant… Taha profite de son métier pour mettre la question sociale au cœur du débat en France. Pour lui, l'idéal serait une 6eme république, « pour tout péter et reconstruire ».
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