Stéphane Gattignon : « Il faut une révolution culturelle dans la bureaucratie »
Le maire de Sevran (Seine-Saint-Denis) a donné sa démission le 27 mars, après dix-sept années de mandat. Pour lui, une ultime protestation contre l’abandon des banlieues par l’Etat.
L’annonce de votre démission a suscité de nombreuses réactions…
Quand j’ai démissionné, je ne m’attendais pas à ouvrir la boîte de Pandore des maires en colère. Je voulais alerter l’opinion publique sur la situation de la banlieue, mettre la pression pour faire avancer les choses avec le plan Borloo. Mais il y avait aussi l’usure au bout de dix-sept ans de mandat et la rupture du lien de confiance avec l’Etat. Cela fait également du bien de montrer qu’on peut lâcher le pouvoir !
Vous êtes l’un des artisans du plan Borloo. Pensez-vous qu’il sera mis en application ?
J’ai insisté sur la question de la péréquation (répartition égalitaire de charges ou de moyens, ndlr) pour les collectivités territoriales et sur le fait qu’il fallait redonner confiance au monde associatif, notamment aux clubs sportifs, à la fois dans les quartiers et dans les territoires. Nous proposons, entre autres, la formation de 5 000 coachs sportifs sur trois ans, pour permettre aux jeunes de décrocher le Brevet professionnel de la jeunesse, l’éducation populaire et du sport (BPJEPS), un vrai diplôme d’Etat avec une ouverture sur l’emploi. Actuellement, une quarantaine de candidats suivent cette formation à Sevran.
Quelle devrait être la prochaine étape selon vous ?
Maintenant, il faut mettre la pression sur le gouvernement pour qu’il passe à l’action. Ce n’est pas qu’une question de budget, il faut une révolution culturelle de la bureaucratie, pour en finir avec les blocages. Nous ne pouvons pas continuer avec la même administration. Le plan Borloo ne peut être porté par Jacques Mézart, le ministre de la Cohésion des territoires, et le secrétaire d’Etat Julien Denormandie. Ma crainte c’est qu’ils désignent un délégué interministériel et que le plan soit démembré…
Quand on parle des banlieues, on évoque souvent les musulmans, les mosquées et la radicalisation de certains jeunes…
A Sevran, 35 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté et ça marche, car il y a des solidarités solides. Elles sont d’abord communautaires, ensuite sociales et seulement après religieuses, mais cela existe. Dans ma ville, il y a plus de 70 nationalités. On ne parle que des musulmans. Or, aujourd’hui le véritable enjeu est celui des sectes qui prolifèrent : nous avons des Scientologues, des Mormons, des Témoins de Jéhova qui font du porte-à-porte et les Evangélistes sont partout. Les gens ont besoin de croire en quelque chose, surtout dans cette période trouble. Le retour du religieux est clair, tout comme le retour de la radicalité, y compris en politique. Ceux de la droite identitaire dans les Alpes, opposés aux migrants, sont aussi des radicaux, prêts à opposer les uns aux autres. Si l’on va au bout de leur démarche, c’est la guerre civile.
A quoi cela est-il dû selon vous ?
Cette poussée de la radicalité correspond à l’état de déstructuration de la nation. Cela nécessite une réponse politique. Or, aujourd’hui notre classe politique ressemble à celle des pays de l’Est dans les années 1990 : ce sont des hommes d’affaires qui ne voient que leurs intérêts propres ! Il n’y a qu’à voir le nombre de députés LREM qui se vantent de représenter Macron et non les citoyens, des députés qui n’ont même pas de permanence et qui n’en veulent pas !
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