L’écologie souverainiste et très identitaire de Marine Le Pen
Avec les élections européennes en vue au printemps, le Rassemblement national de Marine Le Pen prend un tournant écologiste inédit pour son parti. Avec son slogan « Priorité au local avant le global », le parti d’extrême droite entend verdir un discours résolument protectionniste et anti-immigration.
C’est à Hervé Juvin, en cinquième position de la liste du Rassemblement national (RN) pour les élections européennes de mai que le parti fondé par Jean Marie Le Pen doit son virage écologiste. Cet ancien conseiller de l’ex-Premier ministre centriste Raymond Barre, devenu la caution verte du parti, a donné jeudi une conférence pour parler « énergie, alimentation, (et) territoires » à Lyon.
La présidente du RN, Marine Le Pen, et la tête de liste pour les européennes, Jordan Bardella, y étaient présents après leur visite dans la même ville du salon de « la transition énergétique des bâtiments et des territoires ».
« L’écologie ce n’est pas ce qu’on vous raconte, les parcs à éoliennes et les taxes sur le diesel », déclarait M. Juvin en janvier. En effet, l’écologie au RN c’est avant tout un discours souverainiste. « On ne répondra aux problèmes écologiques actuels qu’avec des Etats en pleine possession de leur territoire, qui contrôlent l’économie et leurs frontières ».
Car « si on a 300 millions d’habitants en France, on détruit nos écosystèmes et on fait disparaître la diversité des cultures », liée « à l’adaptation aux conditions naturelles », soutient-il. « Il faut tourner le dos au libre-échange, faire du localisme », favoriser les « circuits courts », en vue d’une « revitalisation des territoires oubliés », plaide dans la même veine Marine Le Pen.
« Des populations, vues comme des espèces animales sur des territoires donnés »
L’écologie à l’extrême droite, apparue dans des groupes ultraradicaux dans les années 70, « s’inscrit dans un discours très identitaire », selon Stéphane Francois, chercheur associé au Groupe Société Religion Laïcité (CNRS, EPHE, PSL). C’est une écologie « qui se base sur l’ethnodifférentialisme ». « Le discours ne se veut pas raciste et accepte les différences, les identités régionales. Mais c’est “chacun chez soi”, c’est-à-dire des sociétés monoculturelles ou monoethniques », explique le chercheur.
D’ailleurs pour Hervé Juvin, « le multiculturalisme ne marche nulle part ». « Les sociétés multiculturelles sont les plus criminelles », abonde Marine Le Pen, en citant le Brésil. L’écologie faisait aussi partie du discours de Bruno Mégret, qui a fait sécession du FN en 1998, et dont certains ex-partisans sont revenus au RN à des postes clés. L’ancien dissident défendait « une écologie des populations, vues comme des espèces animales sur des territoires donnés », décrypte M. François.
En plein mouvement des « gilets jaunes », le vice-président du RN Steeve Briois (ex-mégrétiste) écrivait en novembre qu’Emmanuel Macron devait « arrêter de se servir du sujet sérieux qu’est l’écologie pour justifier (son) matraquage fiscal ».
Rached Cherif
(Avec AFP)
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