Femme politique #5 : Nora Preziosi, l’action en politique
Avec son accent chantonnant, elle met tout de suite à l’aise ses interlocuteurs. Adjointe du Maire chargée des femmes et de la jeunesse, la marseillaise des quartiers Nord a su s’imposer dans un monde qu’elle ne connaissait pas mais qu’elle a su apprivoiser par son travail de terrain et de fortes convictions.
On a coutume de dire que la ville de Marseille est une ville d’hommes méditerranéens et machos. Pourtant, Nora Preziosi a réussi à tirer son épingle du jeu. Née dans les bidonvilles du 14ème arrondissement de Marseille de parents arrivés d’Algérie en 1958, elle vit dans une cité d’urgence avant de s’installer dans la cité Fontvert. 7ème d’une famille de 13 enfants, elle a su se forger son caractère dans l’ambiance multiculturelle de la cité phocéenne. « Quand on était petit, on pouvait pas dire qu’on était musulman, arabe, algérien, nous indique l’édile. On ne savait pas que ça existait tous ces mots. On disait qu'on était français. On disait même qu’on était marseillais (rires). Enfant, pour nous, Marseillais, c’était important. On croyait que c’était un pays. On ne savait pas que Paris existait. On s’en fichait de Paris. Ce qui comptait, c’était Marseille.»
Pleinement marseillaise elle suit sa scolarité chez les sœurs pendant 4 ans, elle aide dans la cité et travaille d’abord dans un salon de coiffure puis en tant que secrétaire avec une ambition qu’elle n’a pas abandonné. «Je trouvais qu’il fallait absolument que les gens des quartiers Nord et Sud se rencontrent. Moi, j’avais déjà appris à connaître les autres, cette façon de parler, de penser… Des deux cotés, ils ne s’entendaient pas. Il n’y avait pas une séparation. Les gens ne se connaissent pas, ne se fréquentent pas. Quand vous habitez le 7e le 8e arrondissement, vous avez des amis. Quand vous habitez les quartiers Nord, vous avez d'autres amis. C'est compliqué. Il fallait quelqu'un qui fasse un lien entre le Nord et le Sud. Aujourd'hui, je mets en avant les femmes des quartiers Nord et des quartiers Sud. Elles se connaissent, font des spectacles. Elles s'adorent mais il fallait faire un pas en avant. Je l'ai fait et je suis contente. »
Cette rencontre entre le nord et le sud de la ville, va la pousser naturellement à aller vers la politique. «Je suis rentrée en politique très tard. La politique ne m'intéressait pas. Je disais que les politiques ne faisaient que mentir. C'était un monde qui n'était pas le mien. Je me suis marié avec un des plus grands avocats français et lors d'une soirée, je suis repéré par Renaud Muselier. Il me demande de venir. Je me dis OK mais je ne veux pas faire de la politique politicienne. Je veux aider les autres. Le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, m'a tout donné. Grâce à lui, on a pu créé une petite cellule pour les femmes. Aujourd'hui, cette cellule reçoit près de 4000 personnes. Je dis souvent que ce n'est pas moi qui ai besoin de la politique mais que c'est la politique qui a besoin de moi »
Lorsqu’elle se lance, pas évident d’être de droite alors que la majorité des enfants issus de la diversité sont plutôt à gauche. Surtout qu’elle a un mentor en politique qui en général passe mal. « J'ai aimé Nicolas Sarkozy. Cela m'a donné envie de foncer, de faire de la vraie politique, d'aider les autres. Il m'a dit qu'il fallait que j'aille sur le terrain, leur parler. On m'a souvent insulté. Je suis allé dans les quartiers Nord. C'était très difficile quand on disait l'UMP, c'était comme si on disait le FN. Pourquoi n'aurais je pas le droit d'être à droite ? Je ne suis pas une droite facho. Je suis une droite humaine. Je n'ai jamais voulu être à gauche. J'ai toujours travaillé. Je prenais 3 bus et un métro pour aller travailler. Le sens de l'effort, je sais ce que c'est. Je suis une berbère chaoui. Mon père était un Moudjahidine. Il a adoré de Gaulle donc on était de droite."
On ne lui reproche pas que d’être de droite. Elle a droit à plusieurs qualificatifs peu avenants. "J'ai beaucoup de problèmes car je suis une femme et de la diversité. Ils vous appellent beurette quand vous arrivez. Lors du premier mandat, ils m'appelaient beurettte. Lors du deuxième, on arrête.". Une cause lui tient à cœur : celle des femmes, sur laquelle elle a particulièrement travaillé. En politique, elle estime que plus que son statut de femme, c’est autre chose qui dérange."C'est un peu difficile dans ce milieu de machistes mais le plus difficile c'est d'avoir des origines. On vous les reproche toujours. Parce qu'on a des origines, on a pas le droit de faire de la politique. Parce qu'on a des origines, on a pas le droit d'être ce que l'on est. On n'a pas à avoir honte. On peut être fier de ce qu'on est."
Sur la liste de la républicaine Martine Vassal à Marseille, son meilleur souvenir d’élue reste son premier conseil municipal. "La première fois que je suis rentré au conseil municipal et que j'ai mis l'écharpe, c'était très fort. Je me suis dit que la France avait reconnu son enfant. C'est ce que je voulais."