Chute du Mur : Les propos de Leila Shahid au Sénat
A l'occasion de son hors-série publié pour les 30 ans de la chute du mur de Berlin, l'hebdomadaire indépendant Politis à organisé au Palais du Luxembourg, le 25 Octobre 2019, une conférence-débat. Entre nostalgie d'un passé révolu et désillusions géopolitiques sur le temps présent, plusieurs personnalités se sont succédé pour traiter du sujet.
La « grande illusion », thème phare du colloque pose plusieurs questions : Qu'a-t-on appris de l'histoire passée ? Existe-t-il des liens entre l'histoire passée ici et les conflits d'ailleurs ? Pour le journaliste Denis Sieffert, cette « après-midi d'espoir permet d'explorer des événements socio-historiques qui, impliquant nos affects, bousculent notre cadre de pensée ».
Le mur symbolise la peur de l'autre, les inégalités sociales et s'il est bien tombé, la déviance ambiante, elle, reste d'actualité. Pour la sénatrice Esther Benbassa, qui a introduit le colloque, il est important de ne pas tomber dans certaines dérives du passé ; « En ces temps difficiles, je soutiens la cause de nos concitoyens issus de l'islam et de l'immigration : je suis historienne, je suis juive et je n'oublie pas qui je suis ».
Selon l'économiste Pierre Khalfa, le monde est en proie à une crise socio-révolutionnaire résultant d'une défaite idéologique majeure dont nous ne sommes toujours pas sortis. Les symptômes de cette crise, pour l'historien Dominique Vidal s'expriment à travers la montée des nationalismes et des mouvements identitaires. Cet essor trouve ses racines au vu de la mondialisation libérale, de la réticence des politiques à prendre en charge les questions sociétales et de la remise en cause des libertés fondamentales.
Leila Shahid, ancienne ambassadrice de Palestine auprès de l'Union européenne s'exprime à ce sujet : « dans ce monde unipolaire, on nous avait promis un nouvel ordre mondial mais c'est un nouveau désordre mondial ». Le même combat toujours, pour les droits, pour la liberté, pour la dignité des peuples à disposer d'eux-mêmes n'est pas sans rappeler les printemps arabes de 2011 dont les manifestations se poursuivent encore aujourd'hui en 2019. L'intervenante est revenue sur la situation géopolitique actuelle dans le monde arabe avec les mouvements de protestation de ces derniers mois. Que l'on parle de ''hirak'' (mouvement) en Algérie, de ''Intifadha'' (se relever) au Liban et de ''thawra'' (révolution) au Soudan, ceci témoigne d'une volonté des peuples « de renouveler leurs propres destins ». Elle y voit là « quelque chose de très rassurant sur l'état de la santé mentale, intellectuelle, conceptuelle et démocratique de ces sociétés où a lieu le réveil ».
Ces mouvements de protestation témoignent d'une unité en marche réunissant tous les citoyens, comme le démontre le cas libanais : « Ce mouvement est très beau parce que pour la première fois, il n'y a plus d'obsessions identitaires et nationales. Ces jeunes qui manifestent, dansent et chantent ensemble, ne veulent plus entendre parler des questions d'identité. Ils sont avant tout citoyens, unis et solidaires, avec des revendications sociales, politiques, écologiques très précises. Ils veulent avant tout que leur dignité et leurs droits soient respectés. » Les mouvements de ces derniers mois en Algérie, au Liban et au Soudan marquent selon Leila Shahid « un tournant historique ». Mais, « que fera le reste du monde ? » C'est la grande question à se poser.