Blanc-Mesnil. « Censures, intimidations et ingérences devenaient mon quotidien », l’ancien maire-adjoint Haïkel Drine explique son départ
Haïkel Drine a été maire-adjoint chargé des nouvelles technologies au Blanc-Mesnil (93) pendant 4 ans et 3 mois (2014-2018), avant de démissionner de la majorité municipale fin juin, quelques heures avant de se faire exclure lui-même par le conseil municipal de sa ville.
Pour justifier son départ, Haikel Drine évoque des divergences de fond avec l’entourage du maire, notamment avec le directeur du cabinet du premier édile et ses "discours anti-immigration". Le maire LR Thierry Meignen minimise et indique que c’est l’opposition de son adjoint au dernier budget qui l’a conduit à l’exclure de la majorité. Pour la première fois, Haikel Drine revient en détail sur les raisons de son départ.
LCDL : Pourquoi avez-vous décidé de quitter la majorité municipale ?
Haikel Drine : Depuis 2015, les relations étaient compliquées avec Monsieur Meignen. Le point de départ de nos divergences profondes a été marqué par la suppression des Maisons Pour tous (NDLR: Centres Sociaux). Puis par les propos discriminants et racistes tenus lors de conseils départementaux par M. Monany, le directeur du cabinet du maire. Je me souviens de son discours anti-immigration en septembre 2017 et d'une sortie verbale sur la "préférence nationale" pour le RSA quelques mois plus tard en décembre.
Je rappelle que le siège de conseiller départemental a été obtenu en partie avec les voix des Blanc-Mesnilois(e)s. Il me semblait donc légitime de questionner Mr Meignen, maire du Blanc-Mesnil, employeur de M. Monany et ayant fait le choix de ce monsieur pour le suppléer au conseil départemental. Évidemment, je n'ai pas obtenu de condamnation ferme des propos tenus. Pour justifier son choix, le maire a juste évoqué la liberté d'expression…
Vous avez également voté contre le budget…
Oui. Au vu des coupes budgétaires présentées, et plus particulièrement concernant le volet social et éducatif, j'ai voté contre le budget 2018. C'est alors que j'ai signifié au maire que ma place n'était plus dans cette majorité. Mes valeurs et mon engagement citoyen m'obligeaient à prendre cette décision.
Et que s'est-il passé ensuite ?
Le 21 juin, le maire m'a signifié par arrêté municipal le retrait de ma délégation. Pour l'anecdote, ce sont des agents de la police municipale qui sont venus me remettre le courrier à mon domicile, comme si j'étais un criminel ! Dès le 22 juin, je lui ai fait part de ma décision de quitter cette majorité. Il était hors de question que je siège dans cette instance fantoche sans pouvoir faire bouger les lignes pour la population.
Il semblerait aussi que l'ambiance au sein de cette majorité se détériorait au fil du temps…
Oui. Ça a commencé après avoir pris position publiquement pour la sauvegarde des Maisons pour Tous et leur non privatisation. C'est à cet instant que j'ai commencé à recevoir des menaces de mort, en plus d'essuyer des intimidations en tout genre. A mon domicile, j'ai même reçu un colis avec une tête de cochon ! Notre prise de position avait jeté un froid au sein de la majorité puisque cette "réforme" était portée par le maire en personne.
Malgré la mobilisation importante des administrés et du personnel de ces structures, nous n'avons pas été soutenus par nos collègues. Censures, intimidations et ingérences de la part de membres de notre majorité devenaient mon quotidien.
Pourquoi avoir alors attendu tout ce temps pour démissionner ?
Avant d'expliquer pourquoi j'ai mis autant de temps pour partir, il me faut préciser pourquoi j'ai accompagné Monsieur Meignen en 2014. Je suis un militant associatif qui œuvre depuis de nombreuses années dans ma ville, dans nos quartiers populaires. Mes relations avec l'ancienne mandature communiste n'avaient pas été simples. La proposition d'une nouvelle dynamique avec l'assurance de ne jamais renier mes valeurs m'avaient été garanties.
Je suis apolitique, ce qui me motive c'est l'équité, l'égalité, la reconnaissance de nos talents et de nos différences. Je pensais avoir enfin l'opportunité de valoriser les compétences des habitants du Blanc-Mesnil. Je pensais surtout accéder à un espace d'expression et d'actions qui jusqu'alors nous était refusé gentiment. Je me suis trompé.
Allez-vous continué à faire de la politique ?
Oui. Malgré les pressions subies et la déception, j'ai été élu jusqu'aux prochaines élections municipales en mars 2020. Je serais donc bien là pour défendre le bien commun des Blanc-Mesnilois(e)s. Je suis une personne de parole et les administrés m'ont fait confiance pour aller au bout de mon mandat.
Propos recueillis par Nadir Dendoune