Polémique autour d’une aide financière des USA à la Tunisie
Au moment où une délégation gouvernementale tunisienne se trouve à Washington en vue de finaliser un accord de prêt avec le FMI, l’administration américaine a annoncé l’octroi à la Tunisie d’une aide urgente de 60 millions de dollars pour soutenir les familles tunisiennes vulnérables. Une aide dont les modalités qualifiées d’« humiliantes » par l’opposition, font polémique.
Today we announced a $60 million grant to @UNICEF to deliver direct support to vulnerable families throughout Tunisia. The United States is committed long-term to the Tunisian people as they strive to build a prosperous, democratic future for all Tunisians.
— Secretary Antony Blinken (@SecBlinken) October 13, 2022
« Les États-Unis continuent de soutenir le peuple tunisien alors qu’il est aux prises avec une crise économique permanente dans son pays et qu’il est confronté à une insécurité alimentaire exacerbée par l’agression de la Russie en Ukraine », a déclaré à cette occasion le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken.
L’ambassade US précise que ce programme apportera une aide immédiate aux enfants de familles vulnérables via des transferts monétaires mensuels délivrés par l’Unicef aux familles vulnérables avec des enfants âgés de 6 à 18 ans, touchant 305 mille enfants, et comprenant une gamme de mesures d’accompagnement en marge de la rentrée scolaire.
« Cet engagement s’ajoute aux programmes américains en cours qui soutiennent la société civile tunisienne et le secteur privé, alors que les Tunisiens s’efforcent de construire un avenir prospère et démocratique pour tous. Les États-Unis ont et continueront à soutenir le peuple tunisien à travers notre partenariat à long terme axé sur l’approfondissement de notre coopération en matière de sécurité, la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales de tous, et la promotion de la prospérité économique à long terme », poursuit la même source.
Ce commentaire à caractère plus politique, contenant quelques piques sur l’état de déconstruction des acquis démocratiques du pays, a semble-t-il déplu aux autorités locales. D’autant que des plateaux télévisés ont fustigé hier soir le fait que l’administration étatsunienne de Joe Biden ne fasse plus confiance à l’actuel pouvoir tunisien, et préfère passer par l’Unicef pour distribuer cette « somme dérisoire » de 60 millions de dollars, « digne des pays en proie aux famines » :
Le ministre des Affaires sociales piqué au vif
Présent lors d’un point presse, le ministre des Affaires sociales Malek Zahi, un proche du président Kais Saïed que l’on pressent dans les arcanes du pouvoir pour succéder à Najla Bouden à la tête d’un futur gouvernement, s’était pourtant félicité du fait que : « ce programme renforce les régimes de protection sociale existants dans le cadre de l’AMEN Social pour les enfants âgés de 6 à 18 ans issus de ménages vulnérables et en doublant l’allocation de rentrée scolaire 2022-2023 du gouvernement tunisien pour plus de 420 000 enfants. L’allocation pour enfant consolide les réformes en cours du système de protection sociale en Tunisie, un pilier clé du programme de réforme du gouvernement ».
Irrité par le traitement médiatique de l’évènement, le ministre est intervenu aujourd’hui vendredi pour affirmer : « Je voudrais éclairer l’opinion sur le fait que notre dignité est une ligne rouge et que nous ne participerons pas à ce qui pourrait porter atteinte ni à la dignité du peuple tunisien ni à notre souveraineté. L’aide internationale n’est pas une nouveauté, […] cette aide américaine est fournie avec nos conditions, nos idées et nos programmes ».
Zahi ajoute que « la Tunisie n’accepte la charité d’aucun pays et nul ne peut occulter le rôle de l’Etat tunisien ni donner des aides directes sans passer par les institutions de l’Etat. Les aides seront toujours accordées à travers les institutions de l’Etat, en l’occurrence le ministère des Affaires sociales et l’Instance générale du développement social ».
Cette énième brouille intervient au terme d’une année où les Etats-Unis ont multiplié les remontrances verbales à l’égard du coup de force de Kais Saïed, le président tunisien ne cachant plus quant à lui son hostilité à l’égard de ce qu’il qualifie d’« ingérences » américaines « inacceptables ».