Affaire Mélenchon : une leçon sur la fragilité des édifices politiques

 Affaire Mélenchon : une leçon sur la fragilité des édifices politiques

Le chef de la France Insoumise est-il encore audible sur d’autres questions pour les mois voire les années à venir ?


Interrogé à propos de ses opinions politiques, l’inénarrable Fabrice Luchini avait déclaré : « J'adorerais être de gauche, mais quand t'es de gauche il faut être exceptionnel ! ». Sous-entendu exceptionnellement irréprochable…



Sur BFM TV, Sophia Chikirou, PDG de Mediascop, était à la peine hier soir pour répondre aux accusations de management tyrannique et "par le stress" de ses employés


 


Ceci est précisément la raison pour laquelle l'affaire Mélenchon fera date. L’affaire de la perquisition met dans l'embarras non seulement la gauche (radicale) française mais l'ensemble des gauches contemporaines. Il s’agit là d’un moment d'introspection philosophique pour ce qu'est l'idée même d'une gauche en 2018, quelle que soit l'issue de l'enquête préliminaire qui vise "LFI".




L'une des raisons de l'irritabilité de Jean-Luc Mélenchon face aux journalistes en cette phase ne réside-t-elle pas en effet dans le fait qu'il soit mis dans une posture où il doit expliquer qu'il a recours à une boîte de communication « aux tarifs du marché », que sa campagne électorale a coûté ce que coûte « la moyenne basse » des autres campagnes électorales, etc. ? En être réduit à cela est terrible : c'est en soi un désastre sans nom en termes d'image pour lui, « l'insoumis anti système », que d’être mis sur la défensive sur des questions qui en font un candidat ordinaire, un candidat finalement mainstream.


Dans le même ordre d’idées, tel un commun des mortels hétérosexuels, il s'avère que Jean-Luc entretient une relation intime avec son assistante, qui se trouve être aussi la PDG de la boite de communication ayant un contrat avec son parti, boite de com' rémunérée en partie avec l'argent du contribuable français pour les frais de campagne. Là aussi, avoir à expliquer à la presse son statut civil de célibataire sans qu'on le lui demande, pour justifier implicitement sa situation fiscale, relève tout juste de la limitation désespérée des dégâts.


Pis, dans son entretien hier soir mardi face à la perspicace Ruth Elkrief, Sophia Chikirou, toute spécialiste de la com’ qu’elle est, a été mise en difficulté à plusieurs reprises, incapable notamment d’expliquer en quoi cumuler les statuts de conseillère en communication et de prestataire de service qui se facturerait à elle-même ses propres prestations, n’était pas éthiquement condamnable, quoi qu’il s’agisse d’un mode de fonctionnement dont les partis politiques sont coutumiers. Et ce ne sont les faciles procès en misogynie ni les illustrations Twitter destinées à nier toute surfacturation qui empêcheront que le mal ait été fait.   




Jean-Luc apparait donc un homme, faillible, comme les autres, qui a peut-être favorisé son entourage, comme font la plupart des hommes, à sa petite échelle à lui, dans le microcosme de son parti et le cadre de son association. Là est peut-être toute la trivialité, le grotesque, voire le tragi-comique de sa condition humaine. Pour les millions de jeunes et de très jeunes utopistes qui voyaient en lui le justicier ultra "clean" infaillible de la gauche, la désillusion est grande. Même eux savent qu'il est politiquement fini.


 


Seif Soudani