Plainte pour génocide contre Israël : l’incompréhensible posture tunisienne

 Plainte pour génocide contre Israël : l’incompréhensible posture tunisienne

Nabil Ammar

Le ministère tunisien des Affaires étrangères annonce que la Tunisie ne souscrirait « à aucune action judiciaire intentée contre l’entité occupante devant la Cour internationale de justice », précisant dans un communiqué que pareille action reviendrait « une reconnaissance implicite de cette entité ». Une position alambiquée, difficilement justifiable, perçue comme ambiguë à l’étranger tout comme sur le plan national où certains la qualifient d’insondable surenchère.

 

La décision du département de Nabil Ammar, en réalité naturellement celle de Carthage, intervient au lendemain de l’appel international lancé par des organisations tunisiennes, arabes et internationales, pour soutenir l’action sud-africaine contre le génocide commis par Israël contre les Palestiniens et dont les auditions commencent aujourd’hui en ce jeudi 11 janvier 2024 au sein de la Cour internationale de justice.

L’annonce tunisienne n’est pas la première du genre, elle s’inscrit dans une logique de raisonnement circulaire chère au président Kais Saïed qui avait invoqué déjà à deux reprises la même posture passive pour justifier son veto à la loi de criminalisation de la normalisation au Parlement tunisien, puis le non soutien de la Tunisie à une résolution d’aide humanitaire à Gaza à l’ONU, arguant que ladite résolution ne condamne pas suffisamment Israël. Pour l’opposition tunisienne, ce jusqu’au-boutisme contre-productif relève du sophisme, voire du suicide qui saborde et isole la Tunisie sur la scène internationale.

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Pour rappel, l’Afrique du Sud accuse Israël d’avoir violé la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide. Le pays a déposé une requête en ce sens le 29 décembre 2023. « Une action historique » saluée par la Bolivie qui a annoncé, lundi 8 janvier 2024, son soutien à l’Afrique du Sud.

 

Des voix s’élèvent en Tunisie pour fustiger la posture présidentielle

Appartenant pourtant à la même mouvance nationaliste panarabiste dont se revendique en partie Kais Saïed, l’ancien ministre et avocat Mabrouk Korchid a critiqué jeudi l’opposition du ministère des Affaires étrangère de souscrire à l’action sud-africaine contre le génocide commis par Israël envers les Palestiniens et a appelé le président de la République à porter plainte contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.

« Rallier l’Afrique du Sud sur la question du génocide ne peut en aucun cas constituer une reconnaissance d’Israël ! », soutient-il, irrité, rappelant que la Tunisie avait porté plainte contre Israël auprès des Nations unies en 1985 et que « cela n’a nullement été considéré comme une reconnaissance de l’entité sioniste ».

Outre l’opposition à la souscription à cette action ou toute autre qui serait intentée contre Israël devant la justice internationale, le ministère des Affaires étrangères indique néanmoins que la Tunisie s’inscrirait « sur la liste des pays qui vont présenter des exposés oraux devant la Cour Internationale de Justice, dans le cadre de l’avis consultatif demandé par l’Assemblée Générale des Nations Unies, sur les conséquences juridiques découlant de la violation persistante par l’entité occupante du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées des territoires palestiniens occupés, les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, ainsi que sur l’impact des politiques et des pratiques de ladite entité sur le statut juridique de l’occupation ».

Il est à noter que cette décision vient en réponse aux instructions du président de la République Kaïs Saïed, le département a précisé que l’exposé de la Tunisie serait élaboré « par l’une des compétences nationales en matière de Droit international », sans communiquer son identité.

« Dans son plaidoyer, la Tunisie s’attachera à dénoncer l’illégitimité internationale de l’entité occupante et sa violation flagrante des pactes et principes fondamentaux du Droit International. Notre pays espère que l’avis consultatif qui sera rendu par la CIJ réussisse à démasquer le visage usurpateur et colonial de l’entité occupante devant la communauté internationale, comme c’était le cas de l’avis consultatif de la Cour sur le mur de séparation, en juillet 2004 », lit-on dans le même communiqué du ministère.

Les audiences des exposés oraux débuteront à partir du 19 février 2024, au siège de la Cour internationale de justice.