Comment gérer le déconfinement des enfants ?
La rentrée scolaire, post confinement, a créé une grande instabilité chez les parents, les enseignants et bien sûr, les enfants. Les nouvelles règles d'hygiène et de distanciation, vont, par la force des choses, modifier les rapports de l'enfant à l'école. La psychologue clinicienne qui travaille pour plusieurs structures d'aide à l'enfance à Montpellier, Eliane Dequiedt nous apporte quelques éléments de réponse. Elle privilégie l'écoute, le dialogue et surtout de ne pas hésiter à se faire aider en cas de difficultés.
Y a t il une manière particulière d’annoncer la fin du confinement à son enfant ?
Je ne suis pas sûre qu'il y ait « une » manière d’en parler mais il y a l'importance de parler avec son enfant de cette nouvelle étape à vivre. Il existe des supports (Les pates au beurre, Dunan, etc..) qui ont été créés à l'occasion du confinement, pour aider les parents à trouver les mots justes pour expliquer le virus aux enfants. On peut s'en servir de nouveau. Il me semble essentiel d'expliquer que le virus existe toujours et qu'il continue d'agir, mais que la maladie n'est pas grave pour les enfants, et qu'il faudra cependant faire des choses pour éviter d'être malade et d’affecter des personnes plus fragiles.
L’incertitude autour de la date peut elle créer de l’instabilité chez l’enfant ?
Elle crée davantage de sensation d'instabilité chez les parents. On commence à se réorganiser sur les lieux de travail, mais jongler entre la reprise du travail et le caractère incertain du retour à l'école est un véritable casse-tête pour certains parents. Je mets ça sur le compte du stress qui peut être difficile à vivre. L’enfant sent bien ce flou, que les adultes vivent un moment de flottement et que les repères ne sont pas fixés. C'est toujours insécurisant. On peut expliquer aux enfants que les adultes ont besoin de ce temps pour organiser le retour dans les meilleures conditions possibles.
Quels sont les signes d’un enfant qui ne veut pas aller à l’école ?
Les signes sont assez clairs ! Il sait le verbaliser, et parfois avec vigueur ! Ce sont plutôt les effets potentiellement angoissants de la reprise sur lesquels il va être important d'échanger avec lui. Cela peut être difficile, malgré les éventuels conflits liés à la promiscuité, au quotidien à la maison, de se séparer alors qu'il a fallut être « très ensemble », un peu collés, pendant ces 8 semaines ! Il y a un vrai travail de séparation à renouveler, ce n'est pas si simple. Il ne faut pas le banaliser !
Qu’est ce qui est difficile après une aussi longue période de confinement pour l’enfant ?
Ce qui peut être difficile, c'est justement de se séparer de ce milieu dans lequel il a fallu recréer des repères, quitter les rituels du quotidien d'avant le confinement, quitter ceux qu'on aime mais aussi des choses qu'on n’aimait pas (les notations des enseignants, certaines relations conflictuelles par ex, des contraintes perdues pendant le confinement, etc). N’oublions pas que l’enfant ne retrouve pas l’école qu’il a connue. Il faut le leur signifier, sans dramatiser : les classes ou groupes de crèches qui ne seront pas les mêmes, les adultes, voire les copains/copines (certains ne seront pas de retour en classe ou à la crèche), dont on ne verra que le regard, et dont la voix sera déformée par le masque, le masque qu'il faudra pour certains porter, les règles d'hygiène, et de distance bien éloignées de besoins et des habitudes des enfants !! Tout un programme, dans lequel nous pourrons, ainsi que les enseignants, professionnels d'accueil, accompagner notre enfant au fur et à mesure. Attention, toutefois, de ne pas en faire trop. Ne les submergeons pas de toutes ces nouvelles règles, qu'ils vont découvrir progressivement.
Est ce que ces cassures de rythme (école/maison, puis uniquement maison et à nouveau école/maison) peuvent être un facteur de stress et d’instabilité chez l’enfant ?
Vous voulez parler de la période des vacances qui suivra le déconfinement ? A mon sens ce ne sera pas du même ordre que la période passée, car le confinement, même si certains adultes imaginaient qu'il puisse approcher, était une surprise pour la plupart des enfants. Certains n'ont pas réalisé et n'ont même pas pu dire « au revoir » aux amis, à l'enseignant, aux professionnels qui les accompagnent dans la journée. La durée n'était pas connue, ou bien repoussée à plusieurs reprises. Le rituel des vacances est connu, ainsi que la date. L’inconnu, c’est le déroulé des vacances : où pourra-t-on se déplacer ? Les colonies de vacances pourront-elles avoir lieu ? Les plages seront-elles ouvertes, ou à quelles conditions ? Je pense aussi aux familles qui peut-être ne pourront pas retourner au pays comme c'est rituellement le cas chaque année.
Le confinement a provoqué un chamboulement dans les rythmes scolaires. Est ce que cela peut avoir une répercussion chez l’enfant et son rapport à l’école ?
Le rapport à l'école a été profondément bouleversé pour les enfants. Le cadre scolaire habituel a sauté. Pour certains, il a été plus facile que pour d'autres de maintenir une régularité de travail, malgré les efforts des enseignants et des parents, eux-mêmes souvent pris dans leurs nécessités professionnelles. Par contre, des enfants à la scolarité difficile, qui n’avait ni le matériel, ni l’espace ni la possibilité de travailler sans être dérangé et ceux pour lesquels le cadre est important ont eu de grandes difficultés à tenir le cap. Un adolescent va au collège essentiellement pour retrouver le contact avec ses pairs, là où vivre la scolarité virtuellement perd de son sens. Ce sera aux adultes de l'accompagner dans la reprise de la scolarité, pour éviter qu'il ne se sente trop en décalage, et remette le « pied à l'étrier ».
Le confinement a engendré une perte de repères dans les relations sociales de l’enfant. Quels conséquences cela peut il avoir pour l’enfant ? Faut il qu’il reste au contact des autres enfants ou faut il s’inquiéter s’il est seul ?
Certains parents se sont inquiétés du repli de leurs ados dans leur chambre, de leur manque d'entrain à la vie de famille et à la communication. Les enfants ont eu à développer des stratégies pour faire face à cette situation « de crise qui perdure ». Certains adolescents ont pu vivre ce moment alors qu’ils peuvent être dans une transformation identitaire importante. Pour un grand nombre d'enfants les outils virtuels ne suffisent pas pour maintenir les liens. Laissons-leur le temps de retourner vers l'extérieur avec le plus de sérénité possible (ne leur « refilons » pas nos craintes!), ils ont des capacités d'adaptation bien meilleures que les nôtres, adultes, et un désir de vivre bien présent, pour retourner à ce qui fait le sel de la vie : les liens avec les amis !
Quels méthodes conseillez vous pour un enfant qui refuse de revenir à l’école ?
En parler AVEC lui ! Je souligne « avec », car souvent, adulte, nous avons tendance à parler AUX enfants, à leur dire ce qu'ils doivent faire. Nous ne nous mettons pas toujours « à leur hauteur d'enfant », et à leur écoute. Alors écoutons-les, aidons les à avoir confiance en nous, adultes, pour pouvoir aborder ces sujets dans le respect. Si nous sentons alors une réelle difficulté, que « ça bloque », alors ne restons pas seuls nous mêmes : les structures scolaires, et d'accueil de petits et grands enfants sont pour la plupart dotés de psychologues, et de professionnels de soin (infirmiers scolaires), ou éducatifs (CPE), il y a aussi le professeur principal au collège, etc. N'hésitez pas à les solliciter. Pour les plus jeunes les services PMI bénéficient d'équipes pluridisciplinaires, pour accompagner les familles des enfants de moins de 6 ans. Ils sont là pour vous soutenir et soutenir votre enfant dans les difficultés ou questionnements forcément rencontrés à des moments de nos vies, et de nos parcours. Enfin, certains sites proposent des ressources de réflexion et de supports.
Quels conseils donnez vous aux parents divorcés ou séparés ? Est ce différent des parents en couple ?
Pour vous répondre, je pense que je répondrai comme pour l'essentiel des questions qui concernent les enfants de couples séparés : parlez-vous entre parents, mettez-vous d'accord pour ce qui concerne l'enfant, afin qu'il ne se retrouve pas dans la situation insupportable de choisir entre 2 personnes qu'il aime. Il n’a pas à faire la part des choses entre 2 discours trop contradictoires. S'il y a garde alternée ou si l'enfant doit passer un temps chez un parent, puis l'autre, il nous paraît essentiel de se mettre d'accord, autant que faire se peut, sur les règles liées au déconfinement qui nous paraissent essentielles, et se respecter dans la tenue du « contrat », qui va pouvoir bien sûr évoluer au fil des semaines.
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