Paris refuse de conditionner sa relation avec le Caire aux droits de l’Homme

 Paris refuse de conditionner sa relation avec le Caire aux droits de l’Homme

Abdelfattah Sissi

Le président français Emmanuel Macron a douché les espoirs des défenseurs des droits de l’homme lors de la visite de son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Le locataire de l’Élysée a refusé de conditionner aux droits humains le partenariat stratégique entre Paris et Le Caire.

C’est en grande pompe que Paris reçoit Abdel Fattah al-Sissi. La France entend ainsi soigner ses relations avec un partenaire clé et un bon client de son industrie d’armement. Alors que l’Égypte est pointée du doigt en raison de la répression féroce contre toute voix dissonante, Emmanuel Macron préfère évoquer son « ouverture démocratique » et sa « une société civile active ».

Le président français a salué dans la foulée la récente libération de trois dirigeants de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR). Ceux-ci faisaient l’objet d’accusations risibles, mais passibles de la peine de mort. La justice égyptienne est en effet l’une des plus prompte à dispenser la mort dans ses jugement.

M. Macron a assuré avoir également évoqué « plusieurs autres cas individuels », dont celui de Ramy Shaath, défenseur des droits égypto-palestinien. Plusieurs ONG dénoncent la détention arbitraire de ce dernier depuis plus d’un an.

 

60 000 détenus d’opinion

« On est stupéfait que la France déroule le tapis rouge à un dictateur alors qu’il y a plus de 60 000 détenus d’opinion aujourd’hui en Égypte », a déclaré à l’AFP Antoine Madelin, un des responsables de la FIDH (Fédération internationale des droits humains).

L’association est une des organisatrices de la manifestation qui a rassemblé une vingtaine de personnes devant l’Assemblée nationale. Pour la FIDH, la France doit cesser « les ventes d’armes et de matériel de surveillance électronique » à l’Égypte au risque de se retrouver « complice de la répression ».

Mais après avoir refusé de « donner des leçons » à son hôte en octobre 2017, s’attirant les foudres des défenseurs des droits de l’Homme, Emmanuel Macron s’est de nouveau abstenu de mettre trop de pression sur l’Égypte. L’arrivée pouvoir du président Sissi en 2015 s’est pourtant accompagnée d’une répression croissante contre toute forme d’opposition, islamiste ou libérale.

En recevant lundi après-midi le président égyptien, la maire de Paris Anne Hidalgo a pour sa part exigé « la libération des prisonniers politiques et des militants qui font l’objet d’une répression intolérable » en Égypte. Dans un communiqué, elle a également réclamé « la protection des défenseurs des droits humains, dont celle des personnes LGBTQI+, ainsi que le respect de la liberté de la presse ».

 

Le sacré est supérieur aux valeurs humaines

Emmanuel Macron est resté plus diplomate, en vantant « la relation exceptionnelle et amicale » entre la France et l’Égypte. L’Élysée considère le pays comme un « pôle de stabilité » dans une région instable. Les deux présidents ont ainsi affiché leur convergence sur plusieurs grands enjeux de sécurité régionale. La lutte contre le terrorisme, la crise libyenne en passant ou encore les rivalités avec la Turquie en Méditerranée orientale sont les principaux dossiers sur lesquels Paris espère pouvoir compter sur Le Caire.

Emmanuel Macron a par ailleurs remercié son homologue de sa visite à Paris après une « campagne de haine » anti-française dans le monde musulman. M. Sissi a rappelé lundi que l’Égypte avait condamné l’assassinat du professeur Samuel Paty par un réfugié russe tchétchène radicalisé. Mais, il a aussi souligné le caractère « sacré » de la religion qui conserve, selon lui, « la suprématie sur les valeurs humaines ». Il a aussi pointé le risque, en critiquant l’islam, de « blesser des millions de personnes ».

Le président égyptien s’était entretenu plus tôt lundi matin avec la ministre française des Armées, Florence Parly, après une cérémonie d’accueil fermée à la presse, officiellement pour cause de Covid-19. Son cortège a ensuite été escorté par 141 chevaux de la Garde républicaine jusqu’au palais de l’Élysée pour rencontrer Emmanuel Macron. Les deux chefs d’État ont ensuite dîné en format restreint.

Le président égyptien n’a signé aucun contrat à l’occasion de la visite, après les années fastes marquée par la vente de 24 avions de combat Rafale à l’Égypte.