Paris/Rabat. L’avenir de la France se joue au Maroc

 Paris/Rabat. L’avenir de la France se joue au Maroc

Le roi du Maroc Mohammed VI et le président français Emmanuel Macron à Rabat. (Photo de FADEL SENNA / AFP/2018)

Après une brouille de quelques années, le dégel a été rompu grâce à la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara. Invité par le souverain chérifien, Emmanuel Macron est attendu à Rabat les 28, 29 et 30 octobre. Les deux chefs d’État, qui ont pour ambition de protéger leur leadership dans la région, pèsent déjà sur l’avenir de l’Afrique et pourquoi pas sur celui du monde.

 

Pour le président français, le voyage à Rabat, c’est un triple défi, à la fois diplomatique, politique et économique, qui s’annonce. À l’inverse des polarisations domestiques, la posture d’Emmanuel Macron à Rabat est scrutée attentivement par les élites marocaines.

Or, rares sont encore les rescapés de « la grandeur de la métropole » qui ont joué contre les intérêts du Royaume, se considérant plutôt comme des défenseurs, certes « marocains », pour ne pas dire pire, des intérêts français au Maroc. Non seulement leur nombre diminue comme peau de chagrin, mais de plus, le tenant du trône ne veut plus de cette allégeance datant d’une autre époque.

En matière géopolitique, il semble bien que la classe politique française ait compris que le vent a tourné et que le Royaume, constituant aujourd’hui une puissance régionale qui compte, les intérêts de la France ne pourraient être défendus que dans le cadre d’un contrat gagnant-gagnant. Il y va d’ailleurs de l’avenir de l’Hexagone en Afrique, depuis que ce pays a été chassé comme un malpropre de plusieurs nations africaines, dont le Niger, le Mali et le Burkina Faso.

Sur le plan économique, on peut compter sur l’Élysée pour avoir bien fait ses calculs, en témoigne l’importance de la délégation qui va faire le voyage avec le président (pas moins de 150 personnalités triées sur le volet, dont tous les patrons des grands groupes tricolores).

Soucieux de maintenir la compétitivité des acteurs économiques français, le président français compte bien repartir avec de gros contrats susceptibles de donner des couleurs à une économie en berne. Encore faut-il pour cela mettre sur pied une véritable coopération bilatérale, surtout depuis que le FMI a prévu des jours sombres pour la croissance économique de l’Hexagone.

Ce qui a fait dire à la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva : « Nous vivons dans un monde fragmenté, où la confiance est désormais absente et la sécurité nationale est devenue la préoccupation majeure des États. Durant les réunions du Fonds, cette semaine, mon message sera : travaillons ensemble, éclairons le chemin, afin d’élever notre futur commun ». C’est exactement ce qu’attend la partie marocaine.

Sur le plan diplomatique, il y a aussi fort à faire. Invité à s’exprimer devant les députés marocains le 29 octobre, le président français a la lourde tâche de sortir vainqueur de cette bataille de l’opinion. Il va falloir faire oublier les petites phrases assassines sur le drame du séisme du Haouz, enterrer les micmacs d’une classe politique qui a penché un jour pour le voisin épidermique et ennemi irréductible du Maroc, et rassurer sur les véritables intentions de Paris sur « ce partenariat renouvelé ».

Autre sujet fort : l’immigration. Le moment est venu d’arrêter d’agiter le chiffon rouge pour ne pas laisser la place vide à Marine Le Pen, ce qui signifie aussi stop au chantage des visas. À force de jouer avec un faux sujet, la Macronie risque de se brûler les ailes avant la fin du quinquennat. Le populisme a ceci de particulier : son opportunisme permet de dire tout et son contraire.

Disons-le sans détour, aujourd’hui en France plus qu’ailleurs, les immigrés, qu’ils soient Marocains, Tunisiens ou Gabonais, constituent un atout majeur pour l’économie et une réponse sûre au déclassement démographique de l’Hexagone.

Les thèses qui chiffrent les effets positifs de l’immigration sur l’économie sont légion, mais la classe politique française, droite et extrême droite comprises, les a mises sous le boisseau. Pas question de donner de l’eau au moulin de la gauche. Pourtant, les immigrés contribuent bien à augmenter le taux d’emploi et, par la même occasion, à augmenter le niveau de vie moyen. Ce n’est pas vrai que les immigrés viennent manger le pain des Français, bien au contraire, ils ne font pas la fine bouche et acceptent volontiers les emplois disponibles, en général désertés ou trop pénibles pour le Français de souche.

C’est pour cela qu’on en trouve plus dans les métiers aux conditions de travail contraignantes, dans les emplois précaires et ceux qui disparaissent vite au gré des aléas de la conjoncture.

Malgré tout cela, les immigrés paient aussi, voire plus, d’impôts directs et indirects, ainsi que des cotisations sociales. En clair, l’immigration ne pèse pas sur les finances publiques. Deuxième avantage, le lit de l’immigré étant fécond, face au vieillissement inexorable de la population française, rares sont ceux qui osent encore discuter le fait que l’accroissement de la population d’âge actif porté par ces populations a un effet positif sur le remplacement des seniors qui meurent et ceux qui partent à la retraite, et de constituer un vivier de recrutement pour les créations futures de postes.

Dans la tradition marocaine, il est interdit de prêter de mauvaises intentions à son prochain, l’espoir reste ainsi permis que la visite de Macron soit le prélude à une véritable révolution dans les échanges et dans nos rapports mutuels. Les deux pays devraient renforcer ce qui les lie et abandonner ce qui les sépare, un constat qui vaut pour les deux parties.

 

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