Wesam Ahmad : « les entreprises privées ont une responsabilité dans les territoires occupés »

 Wesam Ahmad : « les entreprises privées ont une responsabilité dans les territoires occupés »

Wesam Ahmad


Créée en 1979 par un groupe de juristes palestiniens, l’ONG Al-Haq travaille sur les atteintes aux droits humains et les questions relatives à l’état de droit en Palestine. Elle produit des recherches conséquentes sur des sujets, tels que la colonisation, en collaboration avec la Cour pénale internationale. Wesam Ahmad, spécialiste « entreprises et droits humains » chez Al-Haq, était de passage à Paris ces jours-ci, invité par Amnesty International France et la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine. Interview.


LCDL : Quelles sont les conséquences sur les droits humains que peut avoir l’implantation des entreprises dans les colonies israéliennes?



Wesam Ahmad : Pour que le droit international soit respecté, les Etats doivent faire appliquer ces lois et s’assurer qu’elles soient conformes. A travers les responsabilités que l’Etat a, il peut influencer l’action de ses ressortissants, citoyens et entreprises incluses.


En Palestine, je vous rappelle que des colonies sont construites dans les territoires occupés, ce qui contribue évidemment à la violation du droit international humanitaire. Je rappelle également que le transfert des populations civiles israéliennes dans les territoires occupés est interdit par les lois internationales et la Convention de Genève.


Ce qu’il faut souligner, c’est que cette politique nécessite la participation de différents acteurs. Par exemple, la construction d’infrastructures ou de logements requiert le soutien d’entités privées qui misent sur ces projets de construction de logements ou d’équipements publics.


Ces entités sont directement impliquées dans ces entreprises coloniales. S’il n’y avait pas l’implication de ces entreprises privées, ce serait une politique en théorie seulement. Ces entreprises privées contribuent à leur niveau à la violation des droits internationaux.



Que peut-on faire, depuis ici, depuis Paris, pour aider la population palestinienne ? Que pensez-vous des campagnes de boycott ?



Je vais devoir être très clair. Notre ONG n’a rien à voir avec les appels au boycott. Il s’agit selon moi de décisions individuelles que les consommateurs peuvent prendre. Nous respectons leurs droits de boycotter ces produits de consommation, s’ils le souhaitent. Le travail de notre ONG est de se concentrer sur les obligations légales des Etats. C’est de leur responsabilité de faire en sorte que ces produits ne soient pas mis en vente sur le marché. Ce n’est pas au consommateur de veiller au respect des lois internationales ! C’est le travail des Etats. Et c’est notamment à l’Etat français de rappeler à l’Union européenne le devoir de faire respecter les lois internationales et de ne pas autoriser la commercialisation de ces produits issus des colonies.



Les Nations unies sont sur le point de publier une liste des entreprises liées aux colonies. Qu’attendez-vous de ce document ?



Ce que j’attends, c’est une résolution de l’ONU pour faire appliquer les droits de l’homme ! Elle permettrait de créer une base de données actualisée chaque année.


Cela montrerait toutes les entreprises impliquées, directement et indirectement. Cette base de données permettrait plus de transparence et une compréhension plus large de la chaîne d’approvisionnement. Cela permettrait également aux entreprises, elles-mêmes, de savoir si elles sont en train de violer les lois internationales.


L’espoir, c’est qu’avec le développement de ce processus, on se rendra de mieux en mieux compte de la situation dans les territoires occupés.


Propos recueillis par Chloé Juhel