Inauguration de l’ambassade US à Jérusalem, massacre à Gaza
L'inauguration de l'ambassade américaine à Jérusalem, concrétisant une des promesses les plus controversées du président Donald Trump, s'est traduite par un bain de sang tout au long de la journée de lundi dans la bande de Gaza, où au moins 52 Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens. Huit enfants de moins de 16 ans figurent parmi les victimes, selon l’ambassadeur palestinien à l'ONU.
Il s'agit de la journée la plus meurtrière du conflit israélo-palestinien depuis la guerre de l'été 2014 dans la bande de Gaza.
Ces évènements ont suscité une vive inquiétude internationale dans un contexte de tensions et d'incertitudes régionales déjà fortes.
Les adversaires d'Israël et les organisations de défense des droits de l'Homme ont une nouvelle fois condamné l'Etat hébreu quant à un usage disproportionné de la force.
Une nouvelle mobilisation est prévue mardi, les Palestiniens commémorant le 15 mai la "Nakba", la "catastrophe" qu'a constituée pour eux la création d'Israël en 1948, synonyme d'exode pour des centaines de milliers d'entre eux.
Tandis qu'officiels américains et israéliens endimanchés ont célébré en grande pompe un moment "historique" et la force de leur alliance sous une vaste tente blanche plantée dans l'enceinte de la nouvelle ambassade américaine à Jérusalem, des dizaines de milliers de Palestiniens ont protesté toute la journée, à quelques dizaines de kilomètres de là, dans la bande de Gaza sous blocus.
Les plus résolus ont affronté, au péril de leur vie, les tirs des soldats israéliens en allant lancer des pierres et en tentant de forcer la barrière de sécurité lourdement gardée qui sépare l'enclave et le territoire israélien.
Israël avait prévenu qu'il emploierait "tous les moyens" pour protéger ses soldats et la barrière, et empêcher toute incursion en Israël de Palestiniens susceptibles de s'en prendre aux populations civiles riveraines.
Selon le dernier bilan du ministère de la Santé gazaoui, 52 Palestiniens ont été tués, et des centaines d'autres blessés. Parmi les tués figurent plusieurs mineurs de moins de 16 ans.
"Crimes de guerre"
La direction palestinienne a crié au "massacre". Le Koweït a demandé une réunion en urgence mardi du Conseil de sécurité de l'ONU.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit "particulièrement inquiet". L'Union européenne et Londres ont appelé à la retenue. Paris a "condamné les violences". La Turquie a estimé que les Etats-Unis partageaient la responsabilité du "massacre".
Les ONG Amnesty International et Human Rights Watch ont dénoncé un recours injustifié aux tirs à balles réelles, la première fustigeant une "violation abjecte" des droits de l'Homme et des "crimes de guerre".
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a justifié l'usage de la force par le droit de son pays à défendre ses frontières contre les agissements "terroristes" du mouvement islamiste Hamas, qui gouverne la bande de Gaza et auquel Israël a livré trois guerres depuis 2008.
Israël réfute le caractère proclamé pacifiste de la mobilisation. Celle-ci sert de couverture aux tentatives du Hamas de s'infiltrer en Israël, dit-il.
Au moins trois équipes d'hommes en armes ont essayé de disposer des explosifs le long de la barrière de sécurité, et plusieurs membres du Hamas se sont déguisés en civil pour se fondre parmi les manifestants, a dit l'armée israélienne.
L'aviation et les tanks israéliens ont par ailleurs bombardé lundi plusieurs positions du Hamas.
Dans l'enceinte de l'ambassade américaine, dont les alentours avaient été bouclés par des centaines de policiers, rien n'aurait permis de discerner ce qui se passait au même moment à Gaza.
Seul le conseiller et gendre de M. Trump, Jared Kushner, présent avec son épouse Ivanka –la fille du président américain– parmi des centaines d'invités triés sur le volet, a paru faire une référence oblique aux évènements.
"Ceux qui provoquent les violences font partie du problème, pas de la solution", a-t-il dit.
La Ligue arabe doit se réunir en urgence mercredi
Le statut de Jérusalem est l'une des questions les plus épineuses de l'insoluble conflit israélo-palestinien.
La décision américaine comble les Israéliens qui y voient la reconnaissance d'une réalité de 3.000 ans pour le peuple juif. Elle coïncide en outre avec le 70e anniversaire de la création de l'Etat d'Israël.
Mais cette initiative unilatérale ulcère les Palestiniens pour lesquels elle représente le summum du parti pris outrancièrement pro-israélien de M. Trump. Ils l'interprètent comme la négation de leurs revendications sur Jérusalem.
A Gaza, Bilal Fasayfes, 31 ans, a pris avec son épouse et ses deux enfants un des bus affrétés à Khan Younès (sud) pour transporter les manifestants à la frontière. "On se fiche que la moitié des gens se fassent tuer, on continuera à y aller pour que l'autre moitié vive dignement", dit-il.
Israël, qui s'est emparé de Jérusalem-Est en 1967 et l'a annexée, considère tout Jérusalem comme sa capitale "éternelle" et "indivisible". Les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de l'Etat auquel ils aspirent.
Pour la communauté internationale, Jérusalem-Est reste un territoire occupé et les ambassades ne doivent pas s'installer dans la ville tant que le statut n'en a pas été réglé par la négociation.
Les Palestiniens ont perçu comme une "provocation" la date choisie pour l'inauguration américaine, précédant de 24 heures les commémorations de la "Nakba". La bande de Gaza est, depuis le 30 mars, le théâtre d'une "marche du retour" qui voit des milliers de Palestiniens se rassembler le long de la frontière.
Seif Soudani, avec AFP
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