Numérique : Impact Lab, stimulant de l’innovation africaine

 Numérique : Impact Lab, stimulant de l’innovation africaine

crédit photo : Impact Lab

Un an après le lancement de la marque Morocco Tech, l’écosystème numérique marocain, avec à sa tête Impact Lab, continue de se structurer pour l’avenir. En ligne de mire : construire les innovations africaines tournés vers leurs besoins et qui attirent les investisseurs internationaux.

Entre la Covid-19 et le recul du financement du capital-risque, on ne donnait pas cher de l’écosystème numérique africain. Et pourtant, en 2022, le secteur a connu une croissance de 8%. Le financement total consenti a même atteint 6,5 milliards de dollars. 4 pays (Nigéria, Afrique du Sud, Egypte, Kenya), attirent plus de 70% des investissements. Ces possibilités laissent entrevoir des futurs leaders du marché parmi lesquels aimerait bien se placer le Maroc.

Les atouts du Royaume ne sont pas négligeables. Depuis une décennie, plusieurs programmes ont été mis en place : E-Maroc (2010), Maroc Numérique (2013), Maroc Digital (2020),… Le pays présente un taux de pénétration d’internet de 93% pur 33,86 millions de personnes. Et même si le retard persiste en matière d’e-gouvernement, le Royaume a accéléré sa digitalisation publique grâce au Plan national de la réforme de l’Administration (2018-2021). Les efforts consentis ont même permis au Royaume d’être qualifié de « champion africain de la Tech. »

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Impact Lab, stimulant de l’innovation africaine

Salma Kabbaj connaît bien l’écosystème numérique marocain et africain. Après de brillantes études à Montréal et à Londres, elle conseille pendant une décennie le fonds de capital-risque, Private Equity orienté vers les grosses PME d’Afrique du Nord. « Le Maroc était en retrait par rapport à la Tunisie en nombre de deals. La Tunisie a fait un choix stratégique de stimuler l’entrepreneuriat local et même de le protéger par rapport à l’international. Au Maroc, on a fait le choix de l’ouverture avec une envie de servir pour la délocalisation des TIC. Ca m’a fait réfléchir sur le positionnement marocain. J’ai voulu m’engager un peu plus tôt dans la chaîne de valeurs entrepreneuriales. »

Avec Leyth Zniber, elle monte en 2015 Impact Lab qui promeut les solutions innovantes en Afrique. « On peut avoir un meilleur alignement entre les objectifs de rentabilité et l’impact social et environnementale des entreprises, indique Salma Kabbaj. Nos conseils s’adressent aux startups mais aussi aux grandes entreprises et institutions marocaines. Nous étions convaincus que l’on pouvait créer de nouveaux modèles socio-économiques durables et inclusifs. Notre but est d’outiller l’innovation et la transformation digitale africaine. »

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Un écosystème marocain qui doit se porter sur l’Afrique

A Casablanca, le fonds de capital-risque public-privé, Maroc Numeric Fund a permis de renforcer la résilience des startups. Pour son directeur des investissements, Omar El Hyani, « les entrepreneurs ne doivent pas penser Maroc. Ils doivent penser Afrique et Monde. Il existe des solutions à développer pour des pays occidentaux, pour le Golfe ou l’Afrique Subsaharienne. Vous n’aurez pas de problème à vous faire financer au Maroc mais la taille des marchés va jouer contre le Royaume. Il souffre de ne pas avoir une bonne intégration régionale. »

Un constat que partage aussi la fondatrice d’Impact Lab, qui a participé à plusieurs projets sur le continent avec la BCP ou l’OCP. Allant du logiciel d’optimisation de la logistique pour la pharmacie à des plateformes de commerce ou des solutions d’intelligence artificielle, sa société a réussi à accélérer plus de 250 startups, mène 25 programmes et couvre déjà 17 pays africains. L’Afrique de l’Ouest est visée avec le soutien à la startup ivoirienne « Agricapture » qui permet de connecter les consommateurs aux agriculteurs où les cultures sont produites ou la sénégalaise « Matontine.com » qui développe des solutions de caisse commune pour des communautés de femmes.

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La fintech tire l’investissement en Afrique

Contrairement aux idées préconçues, l’Afrique innove. « Nous avons nos besoins spécifiques en termes d’énergie, de nouvelles technologies, etc., précise Omar El Hyani. Les modèles européens ne sont pas toujours duplicables. Les Africains savent y répondre avec les moyens à leurs dispositions. » Parmi ces innovations africaines, la fintech domine. En 2022, 40% des fonds levés ont visé des entreprises innovantes financières. Parmi les 7 licornes africaines, 5 sont des fintech. « C’est lié pour beaucoup aux infrastructures bancaires traditionnelles qui sont en retrait sur le continent et au développement colossal du mobile payment, explique Salma Kabbaj. Les solutions apportées par les innovations africaines permettent de résoudre des problématiques financières des populations. »

De son côté, le Royaume s’impose dans la logistique, la healthtech, et surtout l’agritech. Ce dernier apparaît comme le potentiel le plus important à l’échelle du continent. « L’Afrique possède 60% des terres arables non cultivées dans le monde, rappelle la fondatrice d’Impact Lab. Le potentiel de productivité est énorme. Les agriculteurs africains doivent faire face à des caractéristiques communes (morcellement des terres, capacité d’accès aux financements, réalité climatique changeante,…). Les solutions doivent prendre en compte la réalité de l’utilisateur.»

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Les femmes, les grandes oubliées de la Tech

Si l’écosystème reste sur une belle dynamique, des challenges se présentent encore sur le chemin des startups innovantes africaines. « L’accès aux marchés n’est pas si simple et les talents sont durs à garder. Les financements sont plus durs aussi à obtenir pour un pré amorçage ou un amorçage. Enfin, certains cadres règlementaires n’aident pas à aller plus loin. Et, même si les startups africaines représentent 20% des levées de fonds au niveau international, on manque d’investisseurs africains dans l’écosystème numérique du continent.»

Autre point noir que partage l’ensemble des écosystèmes numériques mondiaux : la question du genre. L’Afrique n’échappe pas à la règle avec seulement 3% de fonds vers des entreprises dirigées par des femmes. « On manque de modèles d’inspiration, se désole Salma Kabbaj. Le secteur est perçu comme masculin. Les jurys de sélections sont aussi dominés par des hommes. Il nous faut mener un effort actif dans les processus pour prendre en compte l’entreprenariat féminin. »