Nouvelles tensions entre Paris et Alger après l’exfiltration d’une activiste
L’Algérie a rappelé mercredi « pour consultations » son ambassadeur en France pour protester contre « l’exfiltration illégale » via la Tunisie de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui. Une affaire qui risque de raviver les tensions bilatérales après une phase récente de réchauffement.
L’Algérie a « protesté fermement contre l’exfiltration clandestine et illégale d’une ressortissante algérienne » vers la France. Le président Abdelmadjid Tebboune « a ordonné le rappel en consultations de l’ambassadeur, Saïd Moussi, avec effet immédiat », a annoncé la présidence algérienne.
À l’origine de ce regain de tension inattendu, l’arrivée en France de la journaliste et militante algérienne Amira Bouraoui. Celle-ci a en effet réussi à embarquer lundi soir sur un vol a départ de Tunis, alors qu’elle faisait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire en Algérie.
Quel rôle de Tunis ?
La police tunisienne l’avait interpellé une première fois alors qu’elle cherchait à prendre un avion pour la France avec son passeport français. Une juge l’avait remise en liberté lundi, mais elle avait été emmenée par des policiers tunisiens avec le risque d’être expulsée vers Alger, avant d’être placée sous la protection du consulat de France à Tunis.
Selon le quotidien Le Monde, elle a été « accueillie quelques heures à l’ambassade de France » avant d’obtenir « du président tunisien Kais Saied l’autorisation de rejoindre la France ». Le même jour toutefois, celui-ci congédiait son ministre des Affaires étrangères, sans qu’il soit possible de faire le lien avec la fuite de la militante.
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Dans sa note officielle aux autorités françaises, Alger a dit avoir exprimé « la ferme condamnation par l’Algérie de la violation de la souveraineté nationale par des personnels diplomatiques, consulaires et de sécurité relevant de l’État français ». Ces personnels « ont participé à une opération clandestine et illégale d’exfiltration d’une ressortissante algérienne dont la présence physique sur le territoire national est prescrite par la justice algérienne », selon cette note. Une opération « inadmissible et inqualifiable » qui cause « un grand dommage » aux relations algéro-françaises.
Échapper à la prison en Algérie
Amira Bouraoui, médecin de formation de 46 ans, s’est fait connaître en 2014 avec son engagement dans le mouvement Barakat qui a mené une campagne contre le quatrième mandat du président défunt, Abdelaziz Bouteflika. Elle a tenté plusieurs fois en vain de quitter l’Algérie ces derniers mois pour rendre visite à son fils établi en France, selon le site du média algérien radio M où elle animait depuis septembre une émission politique.
L’activiste a remercié « tous ceux qui ont fait en sorte qu'(elle) ne (se) retrouve pas une autre fois derrière les barreaux », sur sa page Facebook. Elle a notamment cité les ONG Amnesty International et Human Rights Watch (HRW), les journalistes et les personnels consulaires de l’ambassade de France en Tunisie. Elle a également assuré que son départ pour la France n’est pas « un exil » et qu’elle sera « de retour très vite » en Algérie.
Longue tradition des relations en dents de scie entre Alger et Paris
« Cette politique française, d’un pas en avant et dix en arrière, n’apaise pas les esprits et jette le froid sur les relations bilatérales à quelques semaines de la visite d’État que devrait effectuer le président Tebboune, en France », selon le journal gouvernemental El Moudjahid.
Après un grave coup de froid à l’automne 2021, Paris et Alger avaient scellé un réchauffement de leurs relations à l’occasion d’un déplacement du président français à Alger en août dernier. Les deux chefs d’Etat avaient signé en grande pompe une déclaration commune pour relancer la coopération bilatérale.
En octobre, la Première ministre française Elisabeth Borne, accompagnée d’une quinzaine de ministres, s’était rendue à Alger pour concrétiser cette réconciliation à travers des accords dans l’industrie, la création de start-ups, le tourisme et la culture.