« Nous allons nous battre pour faire invalider l’arrêté ministériel », Samia, compagne de Moussa B. expulsé de France
Samia M., une Française de 34 ans apprend désormais à vivre sans son compagnon Moussa B. expulsé de France vers la Côte d’ivoire le 15 novembre dernier.
En juillet 2022, le ministère de l’Intérieur prononce un arrêté à son encontre permettant l’expulsion du jeune homme, papa d’un enfant français de dix ans. Pour justifier leur décision, les autorités françaises reprochent à Moussa B. de s’être radicalisé en prison. Des allégations que réfutent en bloc Samia M. qui nous a accordé une interview.
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LCDL : En 2018, les services de renseignements français ont classé votre mari au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT)… Selon eux, il se serait radicalisé en prison.
Samia M. : C’est faux. Premièrement, mon compagnon n’a pas connu l’islam en prison. Chrétien, il s’est converti à l’islam à l’âge de 16 ans.
Il est pratiquant, il fait ses cinq prières par jour, mais est en aucun cas un fondamentaliste. Par exemple, moi, je ne suis pas pratiquante, je porte des jupes, des talons, et cela n’a jamais posé problème dans notre couple. Ses sœurs sont chrétiennes. Chez nous, chacun vit sa religion comme il l’entend.
Que reproche-t-on à votre compagnon concrètement ?
D’après une note blanche que nous avons pu consulter (NDLR : pour justifier des mesures d’expulsion, il arrive à l’administration d’en produire. Les notes blanches sont des documents non signés et parfois peu étayés), on lui reproche d’avoir porté, alors qu’il était en détention, une djeballa et d’avoir eu en sa possession un livre « La citadelle du musulman ».
Ce livre lui a été donné par un aumônier musulman de la prison. (NDLR : La citadelle du musulman est un livre à succès qui contient des invocations touchant l’ensemble des volets de la vie du musulman). Je tiens à rappeler que Moussa n’a jamais été condamné pour des faits de terrorisme. Toutes ces accusations ne sont que des suppositions.
Votre compagnon Moussa B. sort de prison en novembre 2020 avant d’y retourner en décembre 2021…
Une semaine après qu’il soit sorti de prison en novembre 2020, il a reçu une mesure de sécurité parce qu’il était soupçonné de s’être radicalisé en détention. Alors qu’il avait obtenu une promesse d’embauche dans le sud de la France, il n’a pas pu y donner suite parce qu’il n’avait pas le droit de sortir de Seine-Saint-Denis.
Il ne pouvait même pas rendre visite à sa famille qui habite dans les Hauts-de-Seine. Il devait aussi pointer tous les jours au commissariat. C’était invivable. On a contesté ces mesures mais nous n’avons pas obtenu gain de cause.
Et il a été placé de nouveau en prison parce qu’il est arrivé une fois en retard au commissariat à cause de la lenteur des transports en commun, et aussi parce qu’il est allé rendre visite à sa famille à Nanterre deux fois…
Pour vous donc votre compagnon n’aurait pas dû être expulsé ?
Effectivement. Je sais que le passé judiciaire de mon compagnon n’aide pas. Et que beaucoup pensent qu’il a eu ce qu’il mérite. Mais je rappelle qu’il a payé sa dette en purgeant sa peine de prison. Et aujourd’hui, il désire mettre son passé de côté et avancer.
Que comptez-vous faire ?
Nous allons continuer à nous battre avec notre avocat pour faire invalider l’arrêté ministériel. Je tiens aussi à dire que même s’il n’est pas de nationalité française, il a passé toute sa vie ici. Il est arrivé en France à l’âge de 3 ans. Il ne connaît que la France. En Côte d’ivoire, il n’a personne. Toute sa famille, son père, ses deux frères, ses deux sœurs vivent ici et ils sont tous de nationalité française. Il est surtout papa d’un enfant de dix ans qui va grandir sans père.
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