Wallada, princesse andalouse et poétesse

 Wallada, princesse andalouse et poétesse

crédit photo : Studio Ofoto – Manuel Cohen/AFP


Célèbre femme de lettres de la noblesse andalouse du 11e siècle, audacieuse et rebelle, Wallada est restée dans les mémoires pour son histoire d’amour passionnée et orageuseavec le poète Ibn Zaydoun. A Cordoue, elle a créé un salon littéraire où elle accueillait en toute liberté la fine fleur intellectuelle de l’époque.


Née en 994, Wallada est la fille du dernier calife omeyyade de Cordoue, Mohamed Al-Moustakfi Billah (Muhammad III) et de Sakra, une esclave d’origine grecque. Wallada reçoit une éducation raffinée et assez libre pour l’époque. Son enfance et sa jeunesse sont marquées par une période de troubles et de guerre civile après la mort, en 1002, du grand vizir Al-Mansour, ce qui provoque l’agonie du califat de Cordoue et ouvre la période agitée des taïfas (royaumes musulmans indépendants).


 


Une briseuse de carcans


Quand le père de Wallada est assassiné, ne laissant derrière lui aucun descendant mâle, l’avènement de la dynastie des Bani Jawhar aurait pu inquiéter la jeune femme, mais elle garde son statut de princesse. Elle a une trentaine d’années et hérite d’une grande fortune.


Femme rebelle, elle décide de briser tous les carcans des traditions médiévales et de conquérir sa liberté. Elle rejette le voile et porte, en public, les habits transparents des femmes des harems de Bagdad. Elle fait broder sur la manche droite de ses robes “Par Allah, je suis qualifiée pour les hautes positions, et j’avance fièrement dans mon chemin”, et sur la manche gauche “Je permets à mon amant de caresser ma joue, et j’offre mon baiser à celui qui le désire”.


Elle continue de recevoir dans son salon littéraire, Majaliss Al-Adab, les esprits les plus brillants de l’époque, hommes et femmes poètes, philosophes, et artistes. Wallada prend part aux joutes poétiques et s’exprime avec audace et liberté. Elle fascine, charme et séduit, autant par sa poésie, sa culture et son raffinement que par sa grande beauté. Elle est svelte et bien faite, avec des yeux bleus, un teint de porcelaine, une magnifique chevelure blond vénitien et une démarche altière.


 


Une amoureuse passionnée


C’est dans son salon littéraire qu’elle rencontre un jour le grand poète de Cordoue, Ibn Zeydoun. Ils tombent fous amoureux l’un de l’autre. Leur passion dévorante enrichira la littérature arabe de très beaux poèmes enflammés. Leur liaison va défrayer la chronique dans le Cordoue du XIsiècle, mais quand Wallada soupçonne l’élu de son cœur de l’avoir trahie avec une belle servante. Elle le quitte pour toujours et prend pour amant le richissime et puissant vizir Abou Amir ibn Abdous.


Sous un prétexte fallacieux, Ibn Zeydoun est jeté en prison, d’où il écrira sans cesse des poèmes à son amour perdu. Réhabilité, il meurt de chagrin en 1070. Wallada décède vingt ans plus tard, sans s’être jamais mariée. Prise de remords sur le tard, elle écrira un long poème sur Ibn Zeydoun : “Qu’Allah arrose une terre devenue désormais ta demeure, en déversant une pluie abondante de larmes dans mes yeux.”