Sayyida Al-Hurra, la reine de Tétouan

 Sayyida Al-Hurra, la reine de Tétouan


Femme de pouvoir, Sayyida Al-Hurra a marqué le Maroc du XVIe siècle. Connue pour sa lutte contre les Portugais et son alliance avec le corsaire Barberousse, elle a régné plus de trente ans et dominé avec sa flotte navale la Méditerranée occidentale.


Sayyida Al-Hurra, qui signifie “la dame libre” ou “la noble dame”, naît en 1493, à Chefchaouen, cité du nord du Maroc. Son éminente famille maroco-andalouse, les Banu Rachid, a fui l’Espagne après la Reconquista. Son père, le prince Ali ben Moussa ben Rachid, est le fondateur, en 1471, de Chefchaouen. Sa mère, Zohra Fernandez, est une Espagnole convertie à l’Islam, tout comme son frère Martin, rebaptisé Ali Fernandez.


Sayyida Al-Hurra reçoit l’enseignement des grands ­savants de sa ville, puis ceux de Tétouan, à l’époque de la résistance contre les Portugais, qui occupaient les villes de Ceuta, Tanger, Larache et Asilah. A 16 ans, elle épouse Hassan ben Ali Al-Mandri, nouveau gouverneur de Tétouan et ami de son père, de 30 ans son aîné. Elle va jouer auprès de lui un grand rôle politique. Ensemble, ils feront de Tétouan une terre d’accueil pour les Andalous et une base de lutte contre les occupants ibères.


En 1537, Sayyida Al-Hurra succède à son mari, décédé au front. Elle gouverne sans partage durant plus de trente ans. Elle renforce l’armée, rénove l’arsenal et agrandit la flotte navale. Sa puissance suscite jalousie et intrigues de palais. Elle déjoue nombre de complots et de tentatives d’assassinat.


 


Des talents de négociatrice


Elle s’allie au corsaire Khaïreddine d’Alger, connu sous le nom de Barberousse, et se lance dans la piraterie pour mener des expéditions punitives empreintes de jihadisme contre les Portugais et les Espagnols. Alors que Barberousse parcourt l’est de la Méditerranée, Sayyida Al-Hurra domine la partie ouest, ainsi que le détroit de Gibraltar. Elle dirige elle-même tout le trafic maritime. Leurs expéditions rapportent d’énormes revenus, grâce notamment aux rançons réclamées pour la libération des prisonniers, et qu’elle négociait en personne.


Séduit par sa personnalité et sa renommée au Maroc, le sultan Ahmed Al-Wattassi la demande en mariage en 1541. Elle refuse de se rendre à Fès, comme le veut la coutume, et suggère au sultan de venir à Tétouan. Leurs noces ­seront célébrées avec faste. Le souverain repart à Fès, laissant sa nouvelle épouse gouverner en son nom en tant que reine. Un an plus tard, elle est évincée du pouvoir par son beau-fils, Mohamed Hassan Al-Mandri, et trahie par son demi-frère, Afonso de Noronha, allié des Portugais.


La sultane déchue regagne son fief de Chefchaouen, où elle finira ses jours. On ignore la date et les circonstances de sa mort. Mais Sayyida Al-Hurra demeure une figure emblématique de la femme de pouvoir dans le monde musulman.