La Kahina, Icone des amazighs

 La Kahina, Icone des amazighs

crédit photo : Karim Sahib / AFP


Reine des Aurès et cheffe de guerre, elle a dirigé la résistance du peuple berbère face à la conquête musulmane de l’Afrique du Nord. Capturée au combat et tuée, elle est entrée dans la légende comme le symbole de la femme amazighe héroïque et rebelle.


Au VIIe siècle, quinze ans après la mort du prophète Mahomet (632), la conquête de l’Afrique du Nord est décidée par le chef de la dynastie omeyyade, Muawiya Ier. Ce qu’on appelle alors l’Ifriqiya orientale et centrale est dirigée par le prince berbère Koceïla, chef de la résistance armée contre l’expansion musulmane au Maghreb. A la mort au combat de ce dernier, en 686, la Kahina est désignée par le conseil de sa tribu pour lui succéder à la tête de la résistance du peuple amazigh.


 


L’art de l’embuscade


Selon l’historien Ibn Khaldoun, la Kahina (dont la date de naissance n’est pas connue) serait la fille unique de Tabat Ibn Tifan, seigneur de la puissante tribu zénète des Djerawa, tribu qui aurait fourni des chefs à tous les Berbères des Aurès. D’autres sources la disent d’ascendance métissée : byzantine et amazighe. Appelée Dihya, Daya, Damya ou Tihya, elle est surnommée la Kahina – “la prêtresse” – par ses adversaires arabes en raison de ses pouvoirs de divination. On ignore si elle était chrétienne, juive ou animiste.


Formée très tôt à l’art de la guerre, fin stratège, la Kahina va fédérer autour d’elle toutes les tribus berbères et régner sur un état indépendant pendant plus de cinq ans. Adversaire redoutable, elle défait par deux fois la grande armée des Omeyyades, dont elle freinera longtemps l’avancée en territoire amazigh, en pratiquant l’art des embuscades et la politique de la terre brûlée. A ses côtés, ses deux fils, Ifran et Yezdia.


 


Trahie par son fils adoptif et décapitée


Quand les Omeyyades reviennent en force cinq ans plus tard, la Kahina s’engage face à l’armée de l’émir Moussa Ibn Noçaïr, dirigée par Hassan Ibn Numan. En 703, lors d’une bataille où elle lutte, épée à la main, elle est vaincue et se réfugie dans l’amphithéâtre d’El Jem. Sa défaite serait due en partie à la trahison de son fils adoptif Khaled Ibn Yazid, jeune prisonnier arabe qu’elle avait épargné lors de la victoire de l’oued Nini. Prisonnière, la Kahina est décapitée au lieu-dit Bir AlKahina. On dit que sa tête a été envoyée en trophée au calife Abd Al-Malik en Syrie. Douze mille Berbères ­seront recrutés dans l’armée arabe. Quant à ses fils, on dit que, se sentant vaincue, elle leur aurait ordonné de ­rejoindre l’armée arabe, où on leur aurait attribué de hauts commandements, eu égard à leur rang.


Seule femme à avoir combattu les puissants Omeyyades, la Kahina demeure la figure iconique de la résistance amazighe. Son destin tragique a inspiré nombre d’écrivains, comme l’Algérien Kateb Yacine, ou l’essayiste ­féministe franco-tunisienne Gisèle Halimi. En 2003, une seule statue a été érigée au Maghreb à sa mémoire, à ­Baghaï, en Algérie, où se trouvait supposément son ­château. “Sparte eût inscrit son nom dans ses temples, ­Homère l’eût célébré dans ses poèmes immortels”, disait d’elle, en hommage, un ancien manuscrit anonyme.