Al Idrissi, un géographe arabe à la cour de Sicile

 Al Idrissi, un géographe arabe à la cour de Sicile

Photo I2/AFP


MAGAZINE NOVEMBRE 2017


Au XIIe siècle, ce géographe novateur et visionnaire réalise, à la demande du roi Roger II de Sicile, la première carte du monde : un globe terrestre en argent qu’il commente dans un célèbre ouvrage, “Le Livre de Roger”.


Géographe, cartographe, botaniste et grand voyageur, Abou Abd Allah Muhammad Al-Idrissi est d’origine marocaine. Il naît vers 1 100 à ­Sebta, la ville marocaine occupée par les Espagnols. Il étudie à Cordoue, capitale de l’Espagne musulmane, sous le règne des Almoravides, puis entame sa carrière scientifique durant une période d’itinérance de plusieurs années, voyageant jusqu’en Asie mineure. Il compile des notes sur la géographie, le climat, la flore, les mœurs et coutumes des pays qu’il ­visite. A 39 ans, il se rend à Palerme, en Sicile, appelé par le roi Roger II. Cette dernière est alors occupée par les Normands, qui l’ont reprise aux musulmans. Carrefour des cultures et des routes commerciales, ce petit royaume tolérant et cosmopolite s’inscrit entre le monde arabe, l’Occident chrétien et le monde byzantin.


A la cour de Roger II, les musulmans sont encore très nombreux, et les Vikings se sont largement imprégnés de leur culture. On y parle arabe, on s’habille même en caftan à l’occasion. Al Idrissi devient le géographe attitré de Roger II, qui lui demande de réaliser un globe terrestre en argent de 400 kg, puis d’écrire un livre de géographie commentant le globe. Le scientifique soutient en effet que la Terre est ronde, conviction révolutionnaire pour l’époque.


Al Idrissi profite de la situation de la Sicile pour collecter auprès des marins et des marchands qui passent dans les ports de l’île toutes les informations dont il a besoin. Grâce aux nouvelles explorations, il incorpore l’Afrique, l’océan Indien et l’Extrême-Orient. Il s’inspire de l’héritage grec de Ptolémée, de géographes ­espagnols, comme Orose, ou arabes, tels Ibn Hawqal ou Jayhani. Ce travail d’enquête et de compilation va se poursuivre pendant seize ans et aboutir, en 1154, à son œuvre maîtresse Kitab nouzhat al-mushtaq fi-khtiraq al-afaq(Livre du divertissement de celui qui veut traverser les horizons), plus connue sous le nom de Livre de Roger, un des meilleurs ouvrages de cartographie médiévale.


 


Une référence pour les grands explorateurs


Il y divise le globe en sept climats, allant de l’est à l’ouest, puis en dix sections, ce qui découpe le monde en 70 rectangles. Il annote toutes les cartes et innove en les coloriant comme dans un véritable atlas. La description encyclopédique comprend aussi bien la géographie physique que les activités humaines du monde de l’époque, et offre une connaissance nouvelle sur des pays d’Europe, d’Afrique et d’Extrême-Orient. Le Livre de Roger, cité, copié, traduit, devient un ouvrage de référence pour nombre de grands explorateurs.


Après la mort de Roger II, Al Idrissi demeure auprès de son successeur, Guillaume Ier, pour lequel il écrira un autre ouvrage géographique, Al mamalik wa al-masalik (Royaumes et Routes). Il a aussi rédigé des traités de­ botanique, traduisant notamment le nom des plantes médicinales en six langues. Il meurt en 1165, à Sebta ou à Palerme, nul ne le sait. Al Idrissi, le plus grand géographe de l’époque médiévale, novateur et visionnaire, a laissé en héritage une description “moderne” du monde connu, la première tentative du genre. 


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