Visite de Béji Caïd Essebsi aux Etats-Unis, le baroud d’honneur d’un vieux briscard de la diplomatie

 Visite de Béji Caïd Essebsi aux Etats-Unis, le baroud d’honneur d’un vieux briscard de la diplomatie

Béji Caïd Essebsi. Photo AFP.

Béji Caïd Essebsi s’est rendu aux Etats-Unis dans une campagne de promotion de la Tunisie post révolution, en vue d’obtenir le soutien de la plus grande puissance économique.

L’invitation vient certes de Barack Obama, mais le choix d’une visite de travail aussi longue (5 jours, du 3 au 7 octobre) n’est certainement pas anodin, et la symbolique est forte. En se rendant aux Etats-Unis en guise de clôture de son difficile mandat de Premier ministre intérimaire, Béji Caïd Essebsi (84 ans) envoie un message clair à ses détracteurs d’une part et aux souverainistes de tout bord d’autre part : fort de sa longue expérience aux Affaires étrangères notamment sous Bourguiba, il est l’homme de la situation, soutenu par les grandes puissances occidentales. Il se pose en patriote aussi, ayant à cœur de sortir le pays du marasme économique en sollicitant la plus grande puissance économique qui l’a assuré de son soutien indéfectible.

L’homme qui a donc dû alterner apaisement et répression sécuritaire au cours de ces 5 derniers mois désire sans doute finir en beauté une mission hautement délicate, en arrimant le bateau démocratie à destination. C’est ce qu’il a déclaré hier, au deuxième jour de sa visite, lors de sa rencontre avec le sénateur d’origine japonaise Daniel Inouye, sénateur démocrate d’Hawaï au Congrès des États-Unis depuis 1963, qui depuis le décès du sénateur Byrd en 2010, est le président « pro-tempore » du sénat américain. C’est en sa qualité de président d’une commission spécialisée dans les fonds alloués aux aides économiques de pays émergents qu’Inouye recevait Essebsi. « La Tunisie apprend très rapidement », a-t-il lancé aux médias, en ajoutant que « les fonds destinés à la Tunisie sont actuellement au stade de l’attente d’un vote au sénat » qu’il sait d’avance favorable. Ce sont pas moins de 500 millions de dollars qui sont en jeu en l’occurrence.

Le Premier ministre tunisien s’est ensuite rendu pour une seconde fois au siège de la Banque Mondiale pour exposer les stratégies que son gouvernement a adoptées pour la prochaine étape de transition, sur le moyen terme, incluant un programme de redressement et d’assainissement économique tous azimuts. En fin diplomate rompu à l’art de la formule, Essebsi a prévenu devant le très influent Robert Zoellick et ses collaborateurs : « La réussite des autres révolutions dans la région était corrélée à la nécessité de la réussite de la transition démocratique en Tunisie ». Selon nos informations glanées au sein même du Premier ministère hier, sans surprises Zoellick a demandé plus de privatisations, mais en retour Essebsi a demandé à ce que les investisseurs américains fassent davantage confiance en la Tunisie post révolution, maintenant que la stabilité semble être durablement retrouvée. Il faut dire que la Banque Mondiale avait émis des réserves quant à la croissance économique tunisienne qu’elle prédit à la baisse encore pour 2012…

Dans un volet plus politique de la visite à la Banque Mondiale, l’entourage de Béji Caïd Essebsi a confirmé que celui-ci avait sollicité l’aide des mécanismes d’action dont dispose l’institution afin de récupérer l’argent de l’Etat détourné par le clan Ben Ali et se trouvant un peu partout dans le monde (banques, fonds d’investissement…).

Dans un discours remarqué et très applaudi à Washington devant des cadres de la Banque, le Premier ministre a dû répondre aux craintes émises par certains économistes qu’un parti islamiste ne s’empare du pouvoir en Tunisie : « Les gens se sont alliés à Ennahdha parce que ce parti était dans une lutte frontale contre le gouvernement. Ce n’est plus le cas maintenant que ce parti est devenu une formation politique comme une autre », a-t-il tenté de rassurer.

Le New York Times consacrait deux pages hier à la visite de Caïd Essebsi, une chronique aux allures de biographie autorisée. Extrait : « “Quand quelqu’un a faim, on doit lui donner seulement ce dont il a besoin, autrement vous risquez de le tuer” », a déclaré Essebsi, décrivant son approche par étape dans la gestion des demandes des mouvements sociaux en libertés et en emplois ».

Seif Soudani