Un observatoire pour les toxicomanies au Maroc

Un observatoire des drogues et des toxicomanies verra bientôt le jour à Rabat. C’est le groupe français George Pompidou qui veillera à la mise en place de cette structure non gouvernementale, mais qui vise à relier les politiques aux scientifiques dans une action conjointe de lutte contre le narcotrafic et la toxicomanie au Maroc.

La création de l’observatoire en question s’inscrit dans le cadre d’une action mère qui débouchera également sur un projet de formation de personnel en soins et traitement des addictions. La structure vise à recueillir les données nécessaires sur la situation de la drogue et des toxicomanies et d’étudier les diverses pistes en vue de formuler des politiques de lutte efficaces adaptées à chaque pays.

Il s’agit là d’une aubaine pour le Maroc, étant donné la grande expérience du Groupe Pompidou en la matière. Depuis sa création en 1971, sa mission principale est de contribuer à l’élaboration, au sein de ses 36 états membres, de politiques multidisciplinaires et innovantes en matière de lutte contre la toxicomanie. Le groupe cherche, à cet effet, à joindre l’action politique à la pratique et la recherche scientifique.

Grâce au réseau méditerranéen MedNET de coopération sur les drogues et les addictions, y compris l’alcool et le tabac, de grandes actions de coopération, d’échange et de transfert de connaissances se font entre pays du pourtour méditerranéen et pays européens membres du Groupe Pompidou.

Le Maroc disposera ainsi d’un outil novateur, déjà expérimenté en Europe, et servira d’exemple pour les autres membres du réseau Mednet qui compte l’Algérie, la Tunisie, le Liban, la Jordanie, l’Égypte, la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, Malte, Chypre et la Grèce.

Au pays du hash

La réputation du Maroc comme producteur majeur de Hachich n’est plus à faire. Considéré comme la drogue la plus répandue et la plus accessible au Royaume, le cannabis occupait  56 000 hectares de culture, selon les chiffres du rapport 2010 de l’OICS, contre 70 000 hectares en 1993, 90 000 hectares en 1999 et 173 000 en 2003, un chiffre record qui correspond à 1,48 % des terres cultivables du pays !

Grâce aux efforts des autorités locales, la culture de cannabis serait retombée à 46 000 hectares vers la fin de l’année dernière. Le Maroc qui, jusqu’en 2008, était considéré comme le premier producteur et exportateur de cannabis, se retrouve actuellement loin derrière l’Afghanistan, selon un rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

Outre les grandes quantités exportées en Europe, la consommation locale est dangereusement élevée, dans le milieu des jeunes en particulier. Une enquête nationale, menée en 2007 par le ministère de la Santé, a révélé que 4,6% de la population se droguait et que 500 000 Marocains consommaient du cannabis.

D’autres drogues viennent derrière. Celles des riches étant la cocaïne et l’héroïne, les plus pauvres s’adonnent, eux, aux psychotropes qui, forts de leurs action hallucinogène, propulsent leurs consommateurs dans les méandres de l’inconscience. Il est d’ailleurs établi, selon les rapports de l’Observatoire marocain des prisons, que « plus de 80% des jeunes, aujourd’hui derrière les barreaux, ont été arrêtés soit pour consommation de drogue, soit pour des délits ou crimes commis sous l’emprise de la drogue ».

En sachant que la drogue est à la fois un moyen d’échapper à la dépression et un facteur favorisant la survenue de pathologies psychiatriques, il est temps que l’Etat se défasse de sa réticence à l’aide des organismes efficients en matière de lutte contre la drogue et de formulation de lois, puisqu’il s’agit avant tout de briser le cercle vicieux qui enferme le consommateur et de sauver de l’addiction les Marocains de demain.

Fedwa Misk