TUNISIE – Une rencontre entre les associations féminines tourne au règlement de comptes

Dans le but déclaré de prendre contact avec les associations féminines, le ministère de la femme a organisé ce mercredi une première rencontre de prise de contact qui malheureusement a vite tourné au règlement de comptes. Le Courrier de l’Atlas était présent, point sur la situation…

Pourtant la réunion qui a regroupé d’une dizaine d’organisations non gouvernementales à majorité féminine  avait bien démarré. Après une apparition-éclair de la ministre Lilia Labidi qui a argué d’un conseil ministériel et  s’est esquivée un quart d’heure après, les représentantes des associations par le biais d’un tour de table plus ou moins organisé prenaient la parole à tour de rôle pour présenter chacune son association, son champ d’action et les objectifs requis.
Ces associations – telles que l’espoir de la Tunisie, Citoyennes, Tunisiennes, la voix et l’image de la Femme –  affichaient de nombreux  points communs :  consolider les principes de la citoyenneté, assurer la complémentarité avec l’homme, revaloriser  l’image de la femme, réactiver sa participation dans la vie politique, et sa contribution dans la transition démocratique, sensibiliser  la femme rurale pour  jouer pleinement son rôle, de même que combattre l’instrumentalisation  de la femme, pratique qui sévissait allègrement sous l’ancien régime…. Des fondamentaux qui  revenaient sans cesse pour  constituer des boîtes à idées et d’actions à ces organisations en herbe, nées toutes après la révolution du 14 janvier.
A cet effet, plusieurs présidentes avaient appelé à mettre sur les rails un réseau d’associations féminines pour conduire des actions communes et devenir plus efficaces au sein de la société civile  et agir parallèlement sur les décisions politiques.
Mais derrière ce discours rassembleur, les divergences sont apparues et les rancœurs personnelles ont flotté à  la surface pour transformer ce qui était un simulacre de débat entrecoupé de temps à autre par des prises de paroles intempestives, en un brouhaha sans nom.
L’une des présentes, Ahlem Kamarji, brandissant son poing, a ainsi fustigé Mme Ben Salah, la représentante du ministère de la femme chargée de la coordination avec les associations en lui signifiant à corps et à cris que rien n’a changé.
Essayant de saisir ce qui la mettait hors d’elle, on a pu comprendre,  difficilement d’ailleurs, qu’elle était membre actif de l’Association des mères de Tunisie et qu’elle avait travaillé aussi au sein du ministère de la femme d’où selon elle, elle aurait été écartée. Elle a déclaré déplorer que Saida Agrebi ait pu s’échapper alors qu’elle avait présenté un dossier conséquent l’inculpant.
Tout aussi véhémente, une autre intervenante a interpellé l’Association tunisienne des femmes démocrates  à cause des déclarations récentes de celle-ci sur la Chaine tunisienne de Radio Internationale RTCI, stipulant que son combat est de lutter contre le voile. La bouillante intervenante a considéré que c’est un organisme qui a joué par le passé le jeu de Ben Ali et s’est rallié à lui pour combattre les femmes voilées.
A partir de là, les voix se sont entremêlées, les représentantes du ministère ont déserté les lieux, les quelques journalistes présents sont partis, des présidentes d’associations se sont retirées, en déplorant la débâcle de la rencontre. D’autres pourtant ont continué à crier sans se soucier vraiment s’il y avait quelqu’un qui écoutait ou pas.
La question qui se pose maintenant est : comment construire une démocratie où les libertés individuelles sont respectées, et où les différences sont acceptées, si nous n’avons pas encore acquis la capacité de nous écouter les uns les autres?
La réunion qui était censée être une plateforme de réseautage pour les associations féminines et le ministère de la femme dans le but de penser des plans d’action et de lancer des projets en faveur de la femme tunisienne quelles  que soient sa tendance, croyance ou apparence,  aura vite tourné court, dans la désolation et les éclats de voix.

Soufia Limam