Tunisie- Sondage: Ennahdha serait en position de rédiger seul la nouvelle constitution

Le nouveau sondage Sigma revêt une importance toute particulière : c’est en effet le tout dernier sondage d’opinion politique légal avant les prochaines élections de l’Assemblée Constituante du 23 octobre. Et ses résultats publiés ce samedi matin lors d’une conférence de presse ont jeté un pavé dans la mare : ainsi ils laissent augurer d’une main-mise d’Ennahdha sur la future assemblée, avec des prévisions de pas moins de 80 sièges au seul parti islamiste, qui se retrouverait de facto dans une situation d’hégémonie lui permettant quasiment de rédiger seul la nouvelle constitution de la Tunisie…

Car 80 sièges, c’est très proche de la majorité absolue. Majorité que le parti de Rached Ghannouchi n’aurait besoin pour acquérir que de l’alliance –déjà acquise- avec le CPR de Moncef Marzouki (virtuellement 17 sièges, en progression de 9 sièges par rapport au mois d’août), plus celle d’un autre parti de la droite populiste / nationaliste comme par exemple l’UPL (Slim Riahi), nouveau venu faisant une entrée fracassante dans les sondages grâce à sa seule compagne pub qui le place déjà à 8 sièges.  

Le Courrier de l’Atlas avait  déjà eu la primeur des résultats du sondage SIGMA tôt dans la matinée. En quelques faits marquants :

–          Ennahdha est toujours en tête des intentions de vote à 22.8% (80 sièges)

–          Le PDP est 2ème en culminant à 11% (40 sièges)

–          Ettakatol 10% (30 sièges). Il convient de noter ici que même en additionnant  les sièges obtenus par les deux principales forces progressistes social-démocrates, cela ne suffirait pas à faire barrage à Ennahdha.

–          Le CPR progresse de 2 à 4.5% d’intentions de vote (16 sièges).

–          L’UPL entre pour la première fois dans ce sondage avec 1.7%

–          Hassan Zargouni de Sigma Conseil précise au sujet du PDM que l’écrasante majorité des 2.513 sondés n’avaient pas connaissance de l’existence du Pôle Démocratique Moderniste. Ettajdid, principale formation de ce pôle ne recueille que 1.3%

–          Afek Tounes fait moins bien que le POCT (0.8%) à simplement 0.7%.

Autre fait marquant, Ennahdha apparait comme étant le parti qui divise et polarise le plus les Tunisiens : c’est le parti qui certes recueille le plus d’intentions de vote, mais à la question « Pour quel parti êtes-vous sûr de ne pas voter ? », il arrive aussi en tête des sondages, avec 18%…

Une indécision et une abstention toujours élevées 

A un peu plus d’un mois des élections, l’autre enseignement du sondage d’opinion est le taux encore très élevé de personnes indécises, qui déclarent « ne pas avoir choisi pour qui voter ». Celui-ci s’élève à toujours à 32,1% (34% au dernier sondage). Les personnes ayant déclaré qu’elles allaient s’abstenir sont à 4,4%, enfin 3,5% des personnes interrogées ont refusé de répondre, soit en tout 40% (contre 50% un mois plus tôt au total) de la population en âge d’aller voter ne s’est pas exprimé à la date du sondage (7 au 9 septembre 2011).

Autre enseignement de taille, 57% des Tunisiens sont pour le recours à un référendum déterminant la durée du mandat de la future assemblée constituante. Une statistique qui pèsera sans doute de tout son poids en faveur des partisans de plus en plus sonores d’un tél référendum dont la perspective agite déjà plus que jamais la classe politique et l’opinion.

Mini séisme politique et scepticisme des Tunisiens 

Même si l’institut de sondage Sigma, l’un des principaux acteurs de ce marché, a longuement exposé sa méthode qu’il dit scientifique et conforme aux standards internationaux en la matière en préambule à son exposé, une partie de l’audience, le web tunisien, ainsi que l’opinion en général reste sceptique. Si l’échantillon est techniquement représentatif de la société tunisienne, il reste réduit (moins de 3000 sondés), et un sondage n’est pas parole d’évangile, d’autant moins à un mois des élections où rien n’est encore joué. Surtout que, comme l’a rappelé Zargouni lui-même, le sondage a été fait juste avant que l’on connaisse les têtes de listes ainsi que les listes indépendantes. Il y a fort à parier que ces dernières données peuvent considérablement changer la donne.

Malgré tout, le scénario d’un parti unique pouvant rédiger à sa guise la prochaine loi fondamentale du pays reste très préoccupant pour la démocratie tunisienne. D’autant que ce parti n’a pas encore publié son programme. Certains partisans de la Kasbah 2ème édition qui ont soutenu la demande d’un Conseil Constitutionnel remettant à plat la constitution semblent déjà moins enthousiastes à l’idée qu’un parti conservateur rédigera potentiellement une constitution… « révolutionnaire »…

  

Seif Soudani