Tunisie – Mis au pied du mur, Béji Caïd Essebsi réagit

Une fois encore sous pression, Béji Caïd Essebsi sort une énième fois de son silence pour tenter de désamorcer des crises qui se répètent et se ressemblent. Cette fois-ci c’est de défense du bilan de son gouvernement provisoire qu’il s’agissait, le premier ministre étant visiblement excédé par ce qu’il estime être des « critiques infondées », de « l’ingratitude » et de l’impatience, à seulement 2 mois des échéances électorales du 23 octobre prochain, dont la réussite est « le seul objectif de son mandat certes prolongé mais provisoire », a-t-il insisté à plusieurs reprises, voulant sans doute couper court à diverses rumeurs d’intentions cachées de maintien au pouvoir au-delà de du scrutin de la Constituante.

S’exprimant dans l’enceinte du Palais des Congrès devant quelque 250 personnalités politiques et représentants de la société civile, il a d’emblée chargé un « ex ministre » qui l’aurait « déçu par la petitesse de ses attaques », selon le style laconique qu’on lui connait. Les spéculations vont déjà bon train quant à l’identité de la personne en question.

Les derniers mouvements sociaux ayant eu pour objet la nécessité d’un assainissement de la justice, le cœur du discours du chef du gouvernement a consisté en une longue incitation à ne pas perdre de vue le fait que son équipe n’est pas responsable des dérives d’une situation qu’elle a trouvée sur place, héritée de l’ex régime, ni des mesures antérieures prises par le gouvernement de son prédécesseur dans le premier gouvernement post révolution (constitution d’une instance d’investigation anti-corruption), s’insurgeant que d’un côté on lui demandait d’agir et que de l’autre l’opinion ne lui permette pas de prendre des mesures engageant le pays sur du long terme.

Toujours sur la défensive,  c’est contre ce même paradoxe qu’il a pesté s’agissant des prêts contractés récemment auprès du G20. Pour s’en justifier, il a évoqué une croissance de 0%, revue à -3% de prévisions pour les plus pessimistes, qui ne laissait pas de choix à un pays voulant se redresser tout en répondant à des demandes salariales tous azimuts depuis le 14 janvier.

Sur un ton plus ironique, déjà interprété comme relevant de la provocation par ses opposants les plus virulents, il a parodié les contestataires en caricaturant les exigences de la rue qui « se résument à des « Dégage ! » et des « Le peuple veut »… », faisant allusion cela dit au fait que durant les derniers événements en Grande-Bretagne, les émeutiers s’étaient ouvertement inspirés de ce qui est désormais le modèle tunisien de la révolte.

Tenir le cap, c’est en somme ce qui ressort d’un discours fleuve de 40 minutes, à l’issue duquel le premier ministre a loué, non sans une certaine auto satisfaction, la qualité de son équipe gouvernementale qui selon lui est « la meilleure depuis celle qui a immédiatement succédé à l’indépendance » à la fin des années 50.

A signaler qu’un énième incident est venu perturber le début de la prestation d’Essebsi : un homme assis au deuxième rang l’a bruyamment interrompue pour s’indigner de l’automaticité du recours à des versets coraniques de la part de l’octogénaire. Ce à quoi ce dernier a répondu, autoritaire,  qu’ « il en serait ainsi et pas autrement », et que ceux à qui cela déplait « pouvaient quitter la salle ».  Depuis l’individu a été identifié comme le leader du parti des « Forces du 14 janvier », une formation de centre gauche basée à Sfax.

Cette altercation verbale qui divise déjà les réseaux sociaux entre défenseurs des minimas de la courtoisie et internautes ayant ras-le-bol des méthodes « vieille école » de Béji Caïd Essebsi n’en est pas moins une défiance qui en dit long sur le degré d’affaiblissement de l’autorité au plus haut sommet de l’Etat.

S.S