Tunisie – Le nouveau pouvoir hérite d’une situation difficile

 Tunisie – Le nouveau pouvoir hérite d’une situation difficile

La révolution tunisienne a libéré le pays du joug de la dictature

Simple phénomène d’émulation avec l’Egypte voisine qui se révolte à nouveau, ou problème plus structurel ? Alors que l’on pensait la situation apaisée dans le pays avec une transition démocratique pacifiée, les revendications sociales redémarrent de plus belle en Tunisie. Elles revêtent un caractère violent quasi insurrectionnel dans le sud du pays, région devenue un traditionnel baromètre de la contestation.

Ce qu’il est désormais convenu d’appeler « la troïka » tunisienne, une large coalition tripartite Ennahdha – CPR – Ettakatol, n’a pas eu le temps de souffler ni de savourer sa victoire électorale.

Cette alliance est appelée non seulement à co-rédiger la constitution mais aussi à gérer les plus épineux dossiers, notamment économiques, du pays, en l’absence de toute autre entité disposant de la légitimité des urnes. Elle se heurte déjà aux affres de la gouvernance d’une Tunisie en crise. Une crise qui n’a fait qu’empirer depuis la révolution, les chiffres du chômage atteignant des records avec une croissance toujours en berne.

Le dossier ultra sensible des martyrs

Dès mercredi dernier, au soir de la seconde session de l’Assemblée constituante (AC), Moncef Marzouki, déjà virtuellement président de la République, est contraint à une sortie médiatique d’urgence afin de calmer les esprits. Visiblement sous pression, il appelle les populations de Kasserine et de Thala à la retenue.

La veille, une gaffe survenue lors de la cérémonie inaugurale de l’AC avait mis le feu aux poudres d’une région déjà sous tension. Lors de la dizaine de minutes réservée à la lecture des noms des martyrs, ceux de Kasserine ont été étonnamment passés sous silence.

Une omission impardonnable pour les habitants de ce gouvernorat qui a payé le plus lourd tribut en termes de bilan humain lors des évènements de janvier dernier.

Les attentes déjà très élevées chez les jeunes chômeurs de la région ont fait le reste : malgré les excuses répétées de l’Assemblée, ils interprètent cet oubli comme une preuve de négligence future de leur sort.

En quelques heures, cela suffit à embraser toute la zone. Le cycle émeutes, incendies de locaux administratifs – couvre-feu, est relancé. Comme par contagion, la région de Gafsa dans le bassin minier, restée fébrile depuis la répression en 2008 de l’ex régime, s’embrase à son tour.

L’UTICA tire la sonnette d’alarme

Ce sentiment d’abandon dans les régions déshéritées du pays est loin d’être une lubie irrationnelle.

L’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (syndicat du patronat tunisien) a en effet convoqué une réunion d’urgence dans la journée d’hier jeudi afin de rassurer les investisseurs étrangers.

Il s’agissait pour l’UTICA de donner la parole aux chefs des entreprises étrangères opérant encore dans le pays, dans le contexte alarmant du départ de pas moins de 120 entreprises, souvent suite à des mouvements sociaux de longue durée.

Faisant part de leur inquiétude face aux bras de fer de plus en plus nombreux les opposant à leurs employés locaux, certains n’ont pas caché leur intention de délocaliser leurs activités dans d’autres pays, notamment au Maroc qui concurrence de plus en plus la Tunisie par sa stabilité et son insolente prospérité économique dans un contexte mondial défavorable.

Une accélération des évènements qui pousse certaines personnalités de la nouvelle opposition progressiste à nous confier en off que tout ceci leur donne raison, a posteriori, d’avoir maintenu le cap lors de la campagne électorale sur les questions purement constitutionnelles, préférant confier en cas de victoire les questions économiques à des technocrates plus qualifiés et surtout apolitiques.

Une façon de se dédouaner de la responsabilité d’un échec des futures réformes sectorielles qui peut sans doute jouer de mauvais tours à l’actuelle majorité aux prochaines législatives.

Seif Soudani