Tunisie. Le grand retour politico-médiatique de Béji Caïd Essebsi

 Tunisie. Le grand retour politico-médiatique de Béji Caïd Essebsi

Lors de l’interview sur Nessma

L’increvable et très populaire ex Premier ministre provisoire Béji Caïd Essebsi a choisi Nessma TV pour signer son retour sur la scène médiatique. Quelques jours à peine après avoir effectué la passation des pouvoirs à la Kasbah, il répond ainsi à une forte attente de ses partisans de le voir à nouveau parmi les figures qui comptent dans le paysage politique tunisien.

 

C’est en somme un échange de bons procédés auquel se sont livrés la chaîne Nessma TV et Béji Caïd Essebsi. C’est en effet Nessma qui, la première, avait orchestré la promotion de l’octogénaire en tant qu’incontournable homme de sagesse, lors de la chaotique période post révolutionnaire de février 2010, en lui consacrant une première série d’entretiens dans son domicile tunisois.

L’homme s’était alors imposé par sa pertinence et sa justesse de ton comme une alternative coulant de source au relativement controversé et démissionnaire Mohamed Ghannouchi.

Aujourd’hui, la chaîne diffuse depuis lundi 2 janvier une série d’entretiens avec Essebsi, à l’initiative de Jamel Afaoui et son équipe qui, depuis le 26 décembre dernier, font une incursion type reality TV dans le quotidien aux airs de fin de règne de l’ex chef du gouvernement.

En acceptant d’accorder à la chaîne la primeur de cette interview évènement en guise de couronnement à la série, Essebsi procédait donc à un retour à l’envoyeur qui l’avait mis en orbite jadis. Lui qui aura eu des rapports souvent tendus avec les médias durant son difficile mandat, il faisait hier mardi le bilan télévisuel de son œuvre à la tête d’un Etat trouvé « en ruines » au moment de son accession au pouvoir.

Une liberté de ton retrouvée

Très vite, quelques minutes après l’entame du talk-show, on comprend que l’homme entend toujours avoir son mot à dire sur la vie politique, avec toujours autant de charisme, mais cette fois avec la jubilation visible d’une liberté de ton retrouvée.

Oublié le devoir de réserve. Ainsi, parmi les moments forts, on retiendra sa prise de position nette et tranchée catégoriquement opposée à une prolongation du mandat des élus de la Constituante au-delà d’un an, à compter de la date de leur élection.

Il rappelle à ce titre que non seulement les partis politiques ont pris un engagement moral devant le peuple de ne pas dépasser cette durée, mais surtout que la nouvelle loi électorale stipule que « les électeurs sont appelés à élire des membres d’une Assemblée qui travaillera pour une durée d’un an à la rédaction d’une Constitution ».

Par conséquent, il a clairement mis hors la loi ceux qui manqueraient à leur parole, en déclarant sans détours : « En cas de dépassement, pour moi ces gens se retrouveraient dès lors dans une situation illégale ». Un pavé dans la mare en accord avec le franc-parler qu’on lui connait.

Une confirmation indirecte d’ambitions politiques légitimes

Au chapitre des révélations, Essebsi n’a pas nié le rôle joué par la Tunisie lors de la révolution libyenne, notamment dans la logistique militaire clandestine ayant permis la chute d’un Kadhafi pour lequel il n’a pas caché son mépris.

Selon lui, les médias sont par ailleurs loin du compte s’agissant des réfugiés entrés sur le territoire national, 1,3 millions d’après les données en sa possession, contre un demi-million dans la presse.

Sur le plan économique, il a rejeté toute accusation d’avoir endetté le pays auprès du G8 et du Qatar, en rappelant que la Tunisie reste un pays très peu endetté par rapport à ses voisins, et qu’elle ne pouvait se permettre de décliner l’aide de pays ayant exprimé le souhait d’accompagner la transition démocratique.

Fort d’un bilan qu’il estime globalement très positif, surtout avec le succès de l’organisation des premières élections libres et transparentes sans heurts, le politicien de 85 ans, visiblement en forme, cachait mal des ambitions politiques toujours d’actualité.

Emu jusqu’aux larmes à la vue d’une séquence le montrant en compagnie de Bourguiba, il avait affirmé récemment que « tout politicien est condamné à faire de la politique du berceau au tombeau ». Une citation qui, à la lumière de rumeurs non démenties de création d’un grand parti centriste d’opposition, peut signifier le retour imminent d’Essebsi pour un dernier baroud d’honneur.

Seif Soudani

 

Lien de la première partie de l’interview : http://www.dailymotion.com/video/xnerup_talk-show-avec-beji-caid-essebsi-1-2_news#rel-page-1