Tunisie. Le djihadisme tunisien, allié malgré lui du régime syrien

 Tunisie. Le djihadisme tunisien, allié malgré lui du régime syrien

Les jeunes terroristes présumés sont mis en scène par la télévision nationale syrienne


Pour le régime syrien qui joue son va-tout, il s’agit depuis des mois d’affilier toute opposition à une opposition armée, et toute opposition armée à la franchise Al Qaïda. Selon une campagne de propagande médiatique classique, la capture de jeunes combattants islamistes tunisiens permet d’achever d’assimiler de façon grotesque les révolutions arabes au terrorisme.




 


C’est un grand jour pour Bachar Jaâfari, l’ex ambassadeur syrien en France, aujourd’hui ambassadeur syrien auprès de l’ONU, fervent défenseur du régime baathiste de Bachar Al Assad, fier d’annoncer sur un ton inquisiteur à la presse en début de semaine la capture par les autorités syriennes de 26 combattants étrangers sur le sol syrien, dont 20 sont des Tunisiens.


 


Une aubaine pour la machine de propagande du régime syrien


La victoire est double pour le régime qui orchestre une sorte de moment de vérité confortant sa ligne depuis le début de la révolte du peuple syrien dès mars 2011. Il se dit victime d’un vaste complot médiatique et international : l’opposition ne serait qu’une émanation d’Al Qaïda, et, cerise sur le gâteau, la plupart des intrus terroristes sont précisément des ressortissants de pays arabes ayant connu des révolutions.


Mieux, LE pays initiateur du Printemps arabe, la Tunisie, enverrait à la Syrie, havre de paix, son poison djihadiste. L’argument, même s’il fait sourire les connaisseurs du régime syrien, premier sponsor du Hamas, meilleur allié de l’Iran et du Hezbollah, reste un argument imparable en ce qu’il exploite une fibre nationaliste profondément ancrée dans l’idéologie national-socialiste du parti Baath, parti unique faussement laïque. 


Tournant à plein régime depuis des mois, naturellement la machine de propagande du régime Al Assad se met en branle et se saisit de l’occasion. On expose les passeports des jeunes terroristes présumés qui, pour certains, ont à peine la vingtaine. Ils sont mis en scène par la télévision nationale syrienne, à coup d’effets spéciaux et de théâtralisation de leurs « aveux ».


Tous prononcent une même phrase magique : leur contact en Syrie est « lié à l’Armée syrienne libre » (branche armée de l’opposition), et est un « chef de l’organisation Al Qaïda ».


Avant sa chute, Kadhafi avait aussi évoqué la franchise Al Qaïda, épouvantail commode en temps de crise, pourtant jadis objet d’admiration à demi-mot dans les discours anti occidentaux des autocrates populistes.    


 


La Libye a fait des émules


Dans un article daté du 15 mai, le Nouvel Observateur révèle via Reuters l’ampleur auprès de jeunes Tunisiens du phénomène djihadiste qui est bien réel. La frontière tuniso-libyenne est devenue un point de passage pour la chair à canon des combattants volontaires, souvent originaires de la ville frontalière de Ben Guerdane.


Et pour cause, la révolution armée libyenne y a été intensément vécue. La petite localité du sud tunisien a abrité les réfugiés de la guerre contre Kadhafi, et la lutte armée, sur fond d’idéologie islamiste djihadiste, y a fait des émules. Les Tunisiens arrêtés en Syrie affirment être tous passés par la case Libye, comme si cela coulait de source, ce « devoir » de solidarité fraternelle entre coreligionnaires que lie davantage « la gloire de l’islam » que l’instinct révolutionnaire.   


Cela devient une tradition morbide, un appel téléphonique au style télégraphique annonce la nouvelle du décès aux familles des victimes. C’est ce que rapporte le frère d’Hussein Mars, le frère de l’un des deux « martyrs » faisant partie d’un groupe de 5 Tunisiens tous issus de Ben Guerdane, tombés sous les tirs d’obus à Homs.


Reste que « La présence de combattants islamistes étrangers en Syrie aux côtés de la majorité sunnite contre les forces du président Bachar Al Assad, qui appartient à la minorité chiite alaouite, n’est vraisemblablement qu’un élément marginal dans le conflit », note Jean-Stéphane Brosse.


La plateforme de blogging Nawaat.org revient quant à elle aujourd’hui sur le sort critique des Tunisiens résidant encore en Syrie, depuis que le président Marzouki a décidé de l’expulsion en février de l’ambassadeur syrien en Tunisie. Deux fonctionnaires sont encore présents à l’ambassade tunisienne à Damas, d’après le témoignage de Lilia Weslaty, en visite sur place récemment. 


Dans sa folle fuite en avant, le dictateur syrien, de plus en plus isolé, réagissant à l’élection de François Hollande, a mis en garde le nouveau président français, en insinuant qu’il ne fallait pas qu’il imite son prédécesseur. Pendant que ses tanks continuent de massacrer les populations civiles, Bachar veut que « le nouveau chef de l’État pense à l’intérêt de la France », qui ne réside pas, selon lui, dans « l’incitation au chaos et à la crise »…


Seif Soudani