Tunisie- La levée des réserves sur la Cedaw n’apporte pas de grand changement
Le 16 août dernier, le conseil des ministres du gouvernement provisoire a décidé la levée des réserves tunisiennes concernant la Cedaw. En réalité, il ne s’agit pas d’une mesure révolutionnaire ; dans certains domaines comme la transmission de la nationalité de la mère à son enfant, la pratique était déjà en avance sur ces réserves. Et surtout, la Tunisie réaffirme qu’elle n’appliquera aucune disposition de la Cedaw si celle-ci est en contradiction avec la Constitution. D’une certaine manière, les réserves restent, mais elles sont générales.
Un non-événement.
La Cedaw (Convention on the Elimination of all forms of Discrimination Against Women), c’est la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, instrument de référence dans le monde pour les droits des femmes.
Adoptée en 1979 par l’Assemblée générale des Nations Unies, elle a été ratifiée en 1985 par la Tunisie qui a accompagné cette ratification par plusieurs réserves. Voici les passages concernés par les réserves de la Tunisie :
Art. 9:
2. Les Etats parties accordent à la femme des droits égaux à ceux de l’homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants.
Art. 15
4. Les Etats parties reconnaissent à l’homme et à la femme les mêmes droits en ce qui concerne la législation relative au droit des personnes à circuler librement et à choisir leur résidence et leur domicile.
Art. 16
1. Les Etats parties prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme :
c) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution;
d) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités en tant que parents, quel que soit leur état matrimonial, pour les questions se rapportant à leurs enfants; dans tous les cas, l’intérêt des enfants sera la considération primordiale;
f) Les mêmes droits et responsabilités en matière de tutelle, de curatelle, de garde et d’adoption des enfants, ou d’institutions similaires, lorsque ces concepts existent dans la législation nationale; dans tous les cas, l’intérêt des enfants sera la considération primordiale;
g) Les mêmes droits personnels au mari et à la femme, y compris en ce qui concerne les choix du nom de familles d’une profession et d’une occupation;
h) Les mêmes droits à chacun des époux en matière de propriété, d’acquisition, de gestion, d’administration, de jouissance et de disposition des biens, tant à titre gratuit qu’à titre onéreux.
Art 29
1. Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties concernant l’interprétation ou l’application de la présente Convention qui n’est pas réglé par voie de négociation est soumis à l’arbitrage, à la demande de l’un d’entre eux. Si, dans les six mois qui suivent la date de la demande d’arbitrage, les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’organisation de l’arbitrage, l’une quelconque d’entre elles peut soumettre le différend à la Cour Internationale de Justice, en déposant une requête conformément au Statut de la Cour.
La Tunisie a levé les réserves mais maintenu la déclaration générale qui avait accompagné sa ratification en 1985. Cette déclaration stipule que le Gouvernement tunisien ne prendra aucune décision réglementaire ou législative non conforme à l’article premier de la Constitution tunisienne. En d’autres termes, qui puisse être jugé contraire à l’Islam.
En tenant compte de la hiérarchie des lois et de la suprématie des conventions internationales, la levée des réserves implique quelques petits changements pour les femmes tunisiennes, par exemple concernant la transmission de la nationalité (déjà bien entamée sous le régime déchu) et la transmission du nom, ou encore le choix de la résidence. Par contre, sur des dossiers plus polémiques tels que l’héritage, il ne faut s’attendre à rien de nouveau.
Soufia Limam
Texte de la Convention en langue française :
http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/fconvention.htm